jeudi 19 décembre 2019

Vaut-il mieux se fier aux experts ou à la multitude ?




Comme le montre l'exemple de la NASA, la multitude fait souvent mieux que les experts ...

On pense souvent que les experts sont les mieux placés pour résoudre les problèmes dans leur domaine. Mais est-ce vraiment le cas ? En 2009, des dirigeants de la NASA assistent à un séminaire de formation continue sur l’innovation ouverte (open innovation) à la Harvard Business School. Intrigués par ce concept, ils décident de mener une expérimentation. Ils postent leurs quatorze problèmes les plus épineux sur trois plateformes spécialisées dans l’innovation ouverte : Innocentive, Topcoder et Yet2.com. Pour chaque problème, ils proposent une récompense comprise entre 15 et 30.000 $ à celui ou celle qui parviendra à le résoudre. Parallèlement, ils demandent à leurs équipes d’y travailler.

Trois mois plus tard, les dirigeants de la NASA font le bilan. Plus de 3.000 personnes issues de 80 pays différents se sont inscrites sur les trois plateformes. Elles ont proposé plus de 300 solutions … souvent excellentes. Trois des quatorze problèmes ont été entièrement résolus et six d’entre eux en partie … le tout en un temps record et pour un coût dérisoire. De leur côté, les équipes internes n’avaient fait aucun progrès …

Une solution a particulièrement marqué les esprits. Malgré tous leurs efforts, les héliophysiciens de la NASA n’étaient jamais parvenus à prédire les éruptions solaires plus de deux heures à l’avance … et avec un risque d’erreur de 50% ! Dans le cadre de l’expérimentation menée par la NASA, un ingénieur à la retraite du New Hampshire a proposé un algorithme permettant de le faire huit heures à l’avance avec un risque d’erreur de seulement 15%. Pour parvenir à ce résultat, il avait utilisé une approche fondée sur les ondes radio, totalement différente de celle des héliophysiciens de la NASA.

Comment les chercheurs de la NASA ont-ils réagi face à ce camouflet ? 43% d’entre eux ont entièrement rejeté l’innovation ouverte. Les 57% restants ont considéré que le pourquoi ? de leur travail (permettre à la NASA d’atteindre ses objectifs … et notamment d’aller sur Mars) était plus important que le comment ? (en développant les solutions techniques en interne ou en les obtenant sur une plate-forme). Ils se sont alors rapidement convertis à l’innovation ouverte ...

Source : Lifshitz-Assaf, H. (2017). Dismantling knowledge boundaries at NASA: The critical role of professional identity in open innovation. Administrative Science Quarterly, 63(4), 746-782.