jeudi 24 novembre 2016

Comment tirer son épingle du jeu dans une entreprise ?



 

Pour tirer son épingle du jeu dans une entreprise, il faut développer son sens politique ...

Qu’on le veuille ou non, les jeux politiques tiennent une place centrale dans la vie des entreprises. Si la plupart des managers en sont conscients, ils hésitent souvent à y prendre part. Comment expliquer ce paradoxe ? D’après Jeffrey Pfeffer, il y a trois raisons :
  • la croyance que le monde est juste. Les managers pensent souvent qu’il suffit de bien faire son travail pour être « reconnu à sa juste valeur ». Malheureusement, ce n’est pas le cas. Comme l’a montré une étude menée dans les services financiers, les managers les mieux évalués sont ceux qui ont le plus de sens politique (et pas ceux qui font le mieux leur travail …) ;
  • la littérature sur le leadership. La plupart des « experts » du leadership recommandent d’être modeste ou discret pour réussir. Malheureusement, ils décrivent plus la manière dont ils voudraient que les leaders se comportent que la manière dont ils se sont réellement comportés pour parvenir au sommet ;
  • la peur de blesser son égo. Personne n’aime l’échec. Paradoxalement, une des meilleures façons de ne pas souffrir d’un échec … est de ne rien faire pour l’éviter. Lorsqu’on ne prend pas part aux jeux politiques dans son entreprise, on a peu de chances de parvenir au sommet … mais on pourra toujours se dire qu’on y serait parvenu si on s’en était donné la peine !
Pour tirer son épingle du jeu dans une entreprise, il ne suffit pas de bien faire son travail. Il faut aussi développer son sens politique. La première étape consiste souvent à « soigner » la relation avec son supérieur hiérarchique. Pour cela, il faut commencer par :
  • attirer son attention. Votre supérieur hiérarchique est occupé par sa propre carrière. Il ne sait pas forcément ce que vous faites. Il faut donc le lui dire (et le plus souvent possible …) ;
  • bien comprendre ce qu’il attend de vous. Pour vous attirer les faveurs de votre supérieur hiérarchique, il faut savoir ce qui l’intéresse vraiment. Mais pour cela, il ne faut pas hésiter à le lui demander (et le plus régulièrement possible …) ;
  • gagner sa sympathie. Il y a deux façons de gagner la sympathie de quelqu’un : le flatter ou montrer qu’on lui ressemble. De nombreuses recherches ont montré que plus on flatte quelqu’un ou plus on lui montre qu’on lui ressemble, plus il a tendance à nous apprécier … même lorsqu’il sait pertinemment qu’on a une idée derrière la tête !
En bref, il est difficile de tirer son épingle du jeu dans une entreprise sans prendre part aux jeux politiques. On peut le déplorer mais c’est une réalité difficilement contestable … Il ne faut donc pas hésiter à développer son sens politique !

Source : Pfeffer, J. (2010), Power: Why some people have it and others don't, Harper Business.

mardi 15 novembre 2016

Le secret pour réussir un chef-d'oeuvre (dans les arts ou dans les affaires)



     

Il existe une méthode très simple pour réussir un chef-d'oeuvre dans les arts et dans les affaires ...

 Lors de la première séance de cours, un professeur d’arts plastiques divise sa classe en deux. Il annonce que la moitié des élèves sera notée sur la qualité des poteries qu’ils réaliseront. Pour obtenir une note de A, il leur suffira de réaliser une seule poterie … mais il faudra qu’elle soit parfaite. L’autre moitié des élèves sera notée sur la quantité de poteries qu’ils réaliseront. Ceux qui en auront fait 25 kilos auront une note de A, ceux qui en auront fait 20 kilos une note de B et ainsi de suite. A votre avis, quels élèves ont réalisé les plus belles poteries ?

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, toutes les plus belles poteries ont été réalisées par les élèves du second groupe. En enchaînant les poteries, ils ont progressé … et fini par réaliser de très belles œuvres. Les élèves du second groupe ont passé tout leur temps à réfléchir à la poterie parfaite. In fine, ils n’ont pas abouti à grand chose.

Comme l’a montré Dean Simonton, Mozart, Picasso ou Einstein sont considérés comme des génies. Chacun dans leur domaine, ils ont créé beaucoup plus de chefs d’œuvre que le commun des mortels. On oublie souvent qu’ils ont aussi créé beaucoup plus d’œuvres ratées ! Au cours de sa vie, Picasso aurait créé plus de 50.000 œuvres. Certains avancent même le chiffre de 100.000. Si Picasso a réalisé des œuvres exceptionnelles, il a créé un nombre incalculable d’œuvres qui ne sont pas passées à la postérité.

Pour créer un chef d’œuvre (dans l’art ou dans les affaires), il n’y a pas de recette miracle. Il faut expérimenter. La plupart de ces expérimentations n’aboutiront pas … mais l’une d’entre elles sera la « bonne ». La pire erreur est de perdre trop de temps à réfléchir avant de se lancer.

Sources :
Bayles, D., & Orland, T. (2001), Art & fear: Observations on the perils (and rewards) of artmaking, Image Continuum Press.
Simonton, D. (1999), Origins of genius: Darwinian perspectives on creativity, Oxford University Press.

jeudi 27 octobre 2016

Comment tourner des particularités en atouts stratégiques ?




Toutes les entreprises ne disposent pas de "joyaux de la couronne" qu'il suffit d'exploiter pour connaître le succès. Que faire ?

Lorsqu’une entreprise dispose d’un ou plusieurs « joyaux de la couronne », tout va bien. Mais que faire lorsque ce n’est pas le cas ? Danny Miller, Russell Eisenstat et Nathaniel Foote ont proposé une méthode originale pour les créer. Elle peut être illustrée par l’exemple de Citibank.

Au début des années 1990, Citibank est implantée dans plus de 100 pays. Elle souffre face à des concurrents locaux qui ont une meilleure connaissance des clients et de meilleures relations avec les pouvoir publics. A première vue, Citibank n’a pas d’autre alternative que de réduire le nombre d’implantations et de se focaliser sur les marchés les plus rentables. John Reed, le PDG de l’époque, opte pour une approche totalement différente. Elle comporte trois étapes :
  • Identifier nos particularités. Toutes les entreprises ont des particularités. Fruit de leur histoire, ce ne sont pas nécessairement des atouts. Dans le cas de Citibank, il s’agissait de son réseau international. Au début des années 1990, ce réseau était considéré comme une faiblesse. En effet, il faut se rappeler que la banque perdait de l’argent dans la plupart des pays où elle était implantée.
  • Trouver des clients qui pourraient valoriser nos particularités. Pour connaître le succès, il ne suffit pas d’avoir des particularités. Il faut aussi qu’elles créent de la valeur pour les clients. A Citibank, John Reed a rapidement compris que le réseau international présentait un intérêt pour les entreprises multinationales. En effet, elles cherchent souvent à travailler avec la même banque dans toutes leurs implantations.
  • Transformer nos particularités en atouts. Enfin, des efforts considérables sont souvent nécessaires pour transformer une particularité en atout. Pour tirer profit de son implantation internationale, Citibank a dû totalement se réorganiser. En particulier, l’organisation décentralisée par zones géographiques a été abandonnée en faveur d’une organisation plus centralisée. Le système de tarification a également été changé pour attirer en priorité les entreprises multinationales.
Toutes les entreprises ne disposent pas de « joyaux de la couronne » qu’il suffit d’exploiter pour connaître le succès. Lorsque ce n’est pas le cas, elles doivent les créer … en s’appuyant sur leurs particularités.

Sources :
Eisenstat, R., Miller, D., & Foote, N. (2002), “Strategy from the inside out”, California Management Review, 44(3), 37-54
Miller, D. (2003), “An asymmetry-based view of advantage: Towards an attainable sustainability”, Strategic Management Journal, 24, 961-976

mercredi 12 octobre 2016

Quel est le meilleur modèle de management ?




Quel modèle de management une entreprise doit-elle choisir ? A-t-elle intérêt à en changer s'il est mauvais ? Les réponses à ces questions sont moins évidentes qu'on pourrait le croire ...

Quel est le meilleur modèle de management pour une nouvelle entreprise ? Dans le cadre du Stanford Project on Emerging Companies, James Barron et Michael Hannan ont étudié près de 200 start-up californiennes sur une période de sept ans. Ils ont constaté que la plupart de ces start-up utilisaient l’un des cinq modèles suivants :
  • modèle « ingénieur ». C’est le modèle dominant dans la Silicon Valley. D’après un dirigeant : « Nous sommes très motivés. Les employés ont énormément d’autonomie pour travailler sur des projets novateurs » ;
  • modèle « engagement ». D’après un dirigeant : « Je veux bâtir une entreprise que les employés ne quitteront qu’à leur retraite » ;
  • modèle « vedette ». D’après un dirigeant : « Nous recrutons uniquement les meilleurs. Nous les payons très bien et leur donnons les moyens dont ils ont besoin » ;
  • modèle « bureaucratique ». D’après un dirigeant : « Nous avons des procédures pour tout » ;
  • modèle « autocratique ». D’après un dirigeant : « Chez nous, vous faites votre travail … et vous êtes payé ».
Quel est le meilleur modèle de management ? L’étude montre que le modèle « vedette » et surtout le modèle « engagement » donnent les meilleurs résultats. Par exemple, les start-up qui utilisent le modèle « engagement » sont deux fois moins susceptibles de faire faillite que les start-up qui utilisent le modèle « ingénieur » (le plus courant dans la Silicon Valley …). A l’inverse, le modèle « autocratique » donne les pires résultats. Les entreprises qui utilisent ce modèle ont deux fois plus de chances de faire faillite que celles qui utilisent le modèle « ingénieur ».

Que se passe-t-il lorsqu’une start-up change de modèle de management ? Les résultats sont particulièrement intéressants. En effet, ils montrent qu’un changement de modèle multiplie par 2,3 la probabilité de faire faillite … même lorsqu’on remplace un moins mauvais modèle par un meilleur … Les implications de l’étude sont limpides. Il faut choisir le « bon » modèle de management au moment où on fonde son entreprise. Par la suite, il faut éviter de le changer car cela déstabilise l’entreprise.

Source : Hannan, M., & Baron, J. (2002), Organizational blueprints for success in high-tech start-ups: Lessons from the Stanford Project on Emerging Companies, California Management Review, 44(3), 8-36.

jeudi 15 septembre 2016

La véritable histoire du Post-It




La véritable histoire du Post-It est très différente de celle que l'on raconte habituellement ...

La plupart des gens connaissent l’histoire du Post-It. Ce produit révolutionnaire aurait été inventé (par erreur …) par un chercheur de l’entreprise 3M qui cherchait à mettre au point une colle extra-forte. Le Post-It serait donc un parfait exemple de sérendipité : l’art de trouver ce qu’on ne cherchait pas !

Malheureusement, cette histoire est fausse. Spencer Silver, un des chercheur à l’origine du Post-It, travaillait effectivement sur un projet de colle extra-forte lorsqu’il mit au point une colle « qui ne collait pas ». Mais ce n’est pas lui qui a inventé le Post-It ! Le Post-It a été inventé quelques années plus tard par Art Fry, un autre chercheur de 3M. Art Fry avait l’habitude de chanter dans la chorale de son église et il était frustré que les marque-pages ne tiennent pas dans son livre de chant. Il se remémora la colle « qui ne collait pas » de Spencer Silver … et l’utilisa pour créer le Post-It.

Dans ses recherches, Carol Dweck distingue deux types d’individus. Les individus qui ont une mentalité fixe (« fixed mind-set ») pensent que le talent est inné. Ils vivent très mal les échecs … car ils les perçoivent comme une remise en cause de leur talent. Les individus qui ont une mentalité de développement (« growth mind-set ») pensent que le talent peut s’acquérir. Pour eux, les échecs sont avant tout un moyen de progresser.

Les recherches les plus récentes de Carol Dweck suggèrent que cette logique s’applique également aux entreprises. Les entreprises qui ont une mentalité fixe recrutent en priorité des « stars ». Elles ne font pas confiance aux autres employés et sanctionnent impitoyablement leurs échecs. Les entreprises qui ont une mentalité de développement ne sont pas autant obnubilées par les « stars ». Elles veulent faire progresser tous leurs employés … et elles savent que cela passe souvent par les échecs.

En bref, on ne peut pas innover sans mener d’expérimentations. Les échecs sont donc inévitables … Dans une entreprise avec une mentalité fixe, Spencer Silver n’aurait pas parlé de sa colle « qui ne collait pas » … et le Post-In n’aurait jamais existé !

Sources :
Dweck, C (2006), Mindset: The new psychology of success, Random House.
Dweck, C. (2014), “Talent: How companies can profit from a "Growth Mindset”, Harvard Business Review, November, 28-29.