mardi 25 février 2020

Avant d'essayer de résoudre un problème, il faut toujours le reformuler



 


Lorsqu’on est confronté à un problème, il ne faut pas essayer de le résoudre. Il faut commencer par le reformuler.

Vous êtes le propriétaire d’un immeuble de bureaux. Vos locataires n’arrêtent pas de se plaindre car ils passent leur temps à attendre l’ascenseur, vieux et lent. Certains d’entre eux ont même menacé de résilier leur bail si la situation ne s’améliore pas. Que faites-vous ?

A première vue, la réponse est toute trouvée. Comme l’ascenseur est vieux et lent, il faut le remplacer par un nouvel ascenseur, plus rapide. Il y a pourtant une autre façon de répondre aux attentes des locataires : poser un miroir dans l’ascenseur. Cette technique est souvent utilisée par les ascensoristes. Elle se fonde sur une observation simple : les gens qui se regardent dans un miroir ne voient plus le temps passer !

Lorsqu’on est confronté à un problème, le premier réflexe est d’essayer de le résoudre. On aurait plutôt intérêt à le reformuler … Comme l’a dit Albert Einstein : "Si j’avais une heure pour résoudre un problème, je passerais cinquante-cinq minutes à réfléchir au problème et seulement cinq minutes à réfléchir aux solutions." Pour reformuler un problème, il suffit de se poser la question suivante : "Qu’est-ce que le fait de résoudre ce problème m’apportera ?"

Dans le cas du propriétaire de l’immeuble de bureau, la réponse à cette question est : "Les locataires ne se plaindront plus que l’ascenseur est trop lent." Elle suggère que le problème n’est pas la lenteur de l’ascenseur, mais la durée de l’attente pour les locataires. La véritable question à se poser n’est donc pas : "Comment rendre l’ascenseur plus rapide ?" mais "Comment rendre l’attente moins ennuyeuse pour les locataires ?" Lorsqu’on a reformulé le problème, on voit bien qu’il existe une infinité de solutions. Remplacer le vieil ascenseur lent par un nouvel ascenseur rapide n’est ni la plus élégante, ni la moins coûteuse ...

Sources :
Roth, B. (2015). The achievement habit: Stop wishing, start doing, and take command of your life. HarperCollins.
Wedell-Wedellsborg, T. (2017). Are you solving the right problems?. Harvard Business Review, January-February, 76-83.

jeudi 19 décembre 2019

Vaut-il mieux se fier aux experts ou à la multitude ?




Comme le montre l'exemple de la NASA, la multitude fait souvent mieux que les experts ...

On pense souvent que les experts sont les mieux placés pour résoudre les problèmes dans leur domaine. Mais est-ce vraiment le cas ? En 2009, des dirigeants de la NASA assistent à un séminaire de formation continue sur l’innovation ouverte (open innovation) à la Harvard Business School. Intrigués par ce concept, ils décident de mener une expérimentation. Ils postent leurs quatorze problèmes les plus épineux sur trois plateformes spécialisées dans l’innovation ouverte : Innocentive, Topcoder et Yet2.com. Pour chaque problème, ils proposent une récompense comprise entre 15 et 30.000 $ à celui ou celle qui parviendra à le résoudre. Parallèlement, ils demandent à leurs équipes d’y travailler.

Trois mois plus tard, les dirigeants de la NASA font le bilan. Plus de 3.000 personnes issues de 80 pays différents se sont inscrites sur les trois plateformes. Elles ont proposé plus de 300 solutions … souvent excellentes. Trois des quatorze problèmes ont été entièrement résolus et six d’entre eux en partie … le tout en un temps record et pour un coût dérisoire. De leur côté, les équipes internes n’avaient fait aucun progrès …

Une solution a particulièrement marqué les esprits. Malgré tous leurs efforts, les héliophysiciens de la NASA n’étaient jamais parvenus à prédire les éruptions solaires plus de deux heures à l’avance … et avec un risque d’erreur de 50% ! Dans le cadre de l’expérimentation menée par la NASA, un ingénieur à la retraite du New Hampshire a proposé un algorithme permettant de le faire huit heures à l’avance avec un risque d’erreur de seulement 15%. Pour parvenir à ce résultat, il avait utilisé une approche fondée sur les ondes radio, totalement différente de celle des héliophysiciens de la NASA.

Comment les chercheurs de la NASA ont-ils réagi face à ce camouflet ? 43% d’entre eux ont entièrement rejeté l’innovation ouverte. Les 57% restants ont considéré que le pourquoi ? de leur travail (permettre à la NASA d’atteindre ses objectifs … et notamment d’aller sur Mars) était plus important que le comment ? (en développant les solutions techniques en interne ou en les obtenant sur une plate-forme). Ils se sont alors rapidement convertis à l’innovation ouverte ...

Source : Lifshitz-Assaf, H. (2017). Dismantling knowledge boundaries at NASA: The critical role of professional identity in open innovation. Administrative Science Quarterly, 63(4), 746-782.

lundi 18 novembre 2019

Les entretiens de recrutement sont inefficaces






L'entretien est loin d'être la meilleure technique de recrutement ...

L’entretien est la technique la plus utilisée dans le domaine du recrutement. Mais est-elle vraiment efficace ? Des centaines d’études ont été menées sur ce sujet. Une méta-analyse de leurs résultats a montré que leur efficacité est très limitée. En effet, il n’y a que 14% de chances pour qu’un candidat qui a bien réussi son entretien d’embauche soit également performant au travail. Si on veut à tout prix continuer à utiliser des entretiens, il faut impérativement les structurer. Le niveau de fiabilité passe alors de 14% à 26%.

Contrairement aux entretiens non structurés, les entretiens structurés comportent une liste de questions qui doivent être posées à tous les candidats. Ils facilitent donc la comparaison. Paradoxalement, les entretiens structurés sont beaucoup moins utilisés que les entretiens non structurés. L'explication : ils sont plus ennuyeux pour les recruteurs !

Outre les entretiens structurés, la méta-analyse a révélé que deux techniques sont particulièrement efficaces pour « bien » recruter : les tests d’intelligence et les mises en situation. Plus on est intelligent, plus on est performant dans son travail … que l’on soit recruté comme balayeur ou ingénieur. Les tests d’intelligence présentent un autre avantage par rapport aux entretiens : ils sont plus objectifs. Alors que les recruteurs ont tendance à préférer les candidats qui leur ressemblent lors des entretiens, les tests d’intelligence ne présentent pas ce biais. La mise en situation est la technique la plus efficace. Elle consiste par exemple à demander à un programmeur d’écrire un morceau de code. Mais cette technique est également la plus coûteuse. Dans une certaine mesure, la période d’essai joue ce rôle … mais uniquement une fois qu’un candidat a été recruté.

En bref, il existe de nombreuses techniques de recrutement. La meilleure approche consiste à combiner les techniques les plus efficaces (comme les entretiens structurés, les tests d’intelligence et les mises en situation) et à éviter celles qui ont totalement inutiles. Le niveau de fiabilité de la graphologie par exemple est inférieur à 1% !

Sources :

Moore, D. (2017). How to simultaneously improve the accuracy and reduce the cost of personnel selection, California Management Review, 60(1): 8-17.
Schmidt, F. & Hunter, J. (1998), “The validity and utility of selection methods in personnel psychology: Practical and theoretical implications of 85 years of research findings,” Psychological Bulletin, 124: 262-274.

lundi 21 octobre 2019

Aucune entreprise n'est condamnée à la disruption : l'exemple d’Encyclopedia Britannica




Comme le montre l'histoire d'Encyclopedia Britannica, la "disruption" n'est jamais une fatalité ...

Tout le monde pense connaître l’histoire de l’Encyclopedia Britannica. En 2012, Britannica arrête de commercialiser ses célèbres encyclopédies "papier". 244 ans après sa fondation, Encyclopedia Britannica a fini par rendre les armes, "disruptée" par Wikipedia. Malheureusement, rien de tout cela n’est vrai …

L’Encyclopedia Britannica n’a pas été disruptée par Wikipedia. Le véritable coupable est Encarta, une encyclopédie sur CD-ROM offerte par Microsoft à tous les acheteurs du système d’exploitation Windows dans les années 1990. Au moment du lancement d’Encarta, Britannica vendait près de 100.000 exemplaires de son encyclopédie. Trois ans plus tard, elle n’en écoulait plus que 3.000 exemplaires … et elle licenciait ses 2.000 représentants.

Face à la menace d’Encarta, Britannica n’est pas restée les bras croisés. Dès 1994, elle a commercialisé une version CD-ROM de son encyclopédie. Au fil des mois, son prix est passé de 1.200 $ (le prix de la version "papier" …) à moins de 100 $. Mais comment lutter contre un produit gratuit ? Britannica a également lancé un site Internet. Mais il n’a pas décollé car l’accès à Internet n’était pas aussi facile qu’aujourd’hui.

Paradoxalement, le salut de Britannica est venu de Wikipedia. En "disruptant" Encarta, Wikipedia a fait disparaitre son concurrent le plus sérieux. Alors que Britannica éprouvait les plus grandes difficultés à se positionner par rapport à Encarta (une encyclopédie sur CD-ROM gratuite et de bonne qualité), elle a facilement trouvé sa place face à Wikipedia (une encyclopédie en ligne gratuite mais de qualité inégale).

Aujourd’hui, Britannica commercialise des accès en ligne à son encyclopédie mais aussi des produits plus spécifiques comme des cours complets pour les universités américaines. La moitié des professeurs et étudiants américains y ont accès. D’après son PDG, Britannica n’a jamais été aussi rentable … un exploit qui n’aurait pas été possible si Britannica avait arrêté d’investir dans les contenus pendant sa période de vaches maigres.

Source : Cauz, J. (2013). Encyclopaedia Britannica's President on Killing Off a 244-Year-Old Product. Harvard Business Review, 91(3), 39-42.

vendredi 6 septembre 2019

Une technique simple et efficace pour sauvegarder l’environnement





Appeler à "faire comme les autres" est une des techniques de motivation les plus efficaces.

Pour sauvegarder l’environnement (ou réduire leurs coûts ?), les hôteliers demandent de plus en plus souvent à leurs clients de réutiliser leurs serviettes. Concrètement, ils disposent des écriteaux dans les salles de bains sur lesquels on peut lire que sa serviette contribue à la sauvegarde de l’environnement. Malheureusement, cette technique est loin d’être efficace. Seul un tiers des voyageurs se laisse convaincre. Les autres ne peuvent pas s’empêcher de penser que les hôteliers cherchent plus à réduire leurs coûts qu’à sauvegarder l’environnement. Que faire ?

Une étude menée par trois chercheurs américains a montré qu’il existe une technique simple et efficace pour augmenter le taux de réutilisation des serviettes dans les hôtels. Il suffit de replacer l’écriteau "Contribuez à la sauvegarde de l’environnement en réutilisant votre serviette" par un écriteau "Faites comme les autres clients qui ont séjourné dans cet hôtel et qui nous ont aidé à sauvegarder l’environnement. Les trois quarts d’entre eux ont réutilisé leur serviette." Cette simple manipulation permet de faire passer le taux de réutilisation des serviettes de 35% à 44%.

Les résultats sont encore plus impressionnants lorsqu’on remplace l’écriteau "Contribuez à la sauvegarde de l’environnement en réutilisant votre serviette" par un écriteau "Faites comme les autres clients qui ont séjourné dans cette chambre d’hôtel et qui nous ont aidé à sauvegarder l’environnement. Les trois quarts d’entre eux ont réutilisé leur serviette." Dans ce cas, le taux de réutilisation monte à 49% !

Que faut-il retenir de cette étude ? Même si nous refusons de l’avouer, nous sommes très sensibles à ce que font les autres. Ce phénomène ne se limite pas aux chambres d’hôtel. Les dirigeants d’entreprises par exemple sont obsédés par ce que font leurs concurrents. Ils finissent alors souvent pas faire la même chose. Ce n’est pas très gênant … sauf si leurs concurrents font n’importe quoi !

Source : Goldstein, N., Cialdini, R., & Griskevicius, V. (2008). A room with a viewpoint: Using social norms to motivate environmental conservation in hotels. Journal of Consumer Research, 35(3), 472-482.