mardi 26 avril 2016

Que deviennent les entreprises qui font la "une" de la presse économique ?




Contrairement à ce que l'on pourrait penser, il vaut parfois mieux être présenté comme un "loser" que comme un "winner" par la presse économique ...

Tom Arnold, John Earl et David North ont analysé toutes les couvertures des magazines Business Week, Forbes et Fortune sur une période de vingt ans. Parmi ces 2.080 couvertures, 593 mettaient une entreprise à la « une ». Les chercheurs ont alors évalué la « tonalité » de ces couvertures en utilisant une échelle de 1 à 5 (très négative, négative, neutre, positive et très positive

Arnold, Earl et North se sont alors intéressés à la performance boursière des entreprises les deux années précédant la parution de la « cover story ». Comme on pouvait un peu s’y attendre, la performance des entreprises présentées comme des « winners » avait été très bonne … alors que celle des entreprises présentées comme des « losers » avait été très mauvaise.

Heureusement, les chercheurs ne se sont pas arrêtés là. Ils se sont aussi intéressés à la performance boursière des entreprises les deux années suivant la parution de la « cover story ». Qu’advient-il des entreprises présentées comme des « winners » ? Parviennent-elles à maintenir leur niveau de performance élevé ? Qu’advient-il des entreprises présentées comme des « losers » ? Sont-elles condamnées à un faible niveau de performance .

Les résultats de l’étude sont clairs. Alors que la performance des entreprises présentées comme des « winners » a tendance à décliner, celle des entreprises présentées comme des « losers » a tendance à s’améliorer. Comme les chercheurs l’ont bien résumé : « une couverture de magazine flatteuse annonce la fin d’une période de performance élevée … alors qu’une couverture désastreuse annonce la fin d’une période de mauvaise performance ! » Ce phénomène est connu sous le nom de « régression vers la moyenne ».

Plus une entreprise est performante, plus elle s’endort sur ses lauriers et plus elle est copiée par ses concurrents. Sa performance a alors tendance à décliner. Moins une entreprise est performante, plus elle subit une pression qui la pousse à se restructurer et à innover. Si elle parvient à survivre, sa performance aura plutôt tendance à s’améliorer

Paradoxalement, il vaut donc parfois mieux être présenté par la presse économique comme un « loser » que comme un « winner » !

Source : Arnold, T., Earl J., & North, D. (2007), “Are cover stories effective contrarian indicators?”, Financial Analysts Journal, 63(2), 70-75.

lundi 11 avril 2016

Pourquoi la compétitivité des entreprises varie-t-elle autant d’un pays à l’autre ?




On pense parfois que la compétitivité d’une entreprise dépend essentiellement de la pression fiscale qu’elle subit dans son pays d’origine. Comme l’a montré Michael Porter (il y a plus de vingt-cinq ans …), les choses ne sont pas aussi simples. 

L’influence d’un pays sur la compétitivité de ses entreprises se manifeste de bien d’autres manières. Pour illustrer le « diamant » de Porter, on prend souvent l’exemple des prestataires de services indiens. Leur succès s’explique par la présence de quatre éléments :
  • des facteurs de production de qualité
L’Inde produit le plus grand contingent d’ingénieurs du monde (après les Etats-Unis). Leur bonne maîtrise de l’anglais facilite les interactions avec les clients américains et européens. Cette main d’œuvre qualifiée présente un autre avantage : elle est relativement peu coûteuse.
  • des clients exigeants
Si la clientèle locale n’est pas extrêmement développée, la compétitivité des prestataires de services indiens doit beaucoup au fait qu’ils travaillent pour des clients américains et européens très exigeants. Plus la clientèle est exigeante, plus les entreprises doivent faire des efforts pour la satisfaire … et plus leur compétitivité a tendance à s’améliorer.
  • des secteurs connexes performants
La main d’œuvre très qualifiée dont bénéficient les prestataires de services indiens est formée par un réseau universitaire très sélectif (les meilleures universités indiennes admettent moins d’un candidat sur cent).
  • une forte concurrence
Enfin, la croissance fulgurante d’entreprises comme TCS, Infosys ou Wipro a suscité un phénomène d’émulation. La concurrence s’est accrue et a renforcé la compétitivité des prestataires de services indiens.

Contrairement à ce que l’on pense parfois, la compétitivité des entreprises s’explique beaucoup moins par la pression fiscale qu’elles subissent dans leur pays d’origine que par quatre éléments : des facteurs de production de qualité, des clients exigeants, des secteurs connexes performants et une forte concurrence. Pour améliorer la compétitivité des entreprises dans un pays, il faut donc travailler sur l’ensemble de l’écosystème … et pas uniquement sur la fiscalité.

Sources :
Kapur, D., & Ramamurti, R. (2001), “India's emerging competitive advantage in services”, Academy of Management Executive, 15(2), 20-32.
Porter, M. (1990), The competitive advantage of nations, Free Press.