vendredi 22 mars 2013

Pourquoi David l’emporte-t-il (presque) toujours sur Goliath ?



On pense parfois que le plus fort l’emporte systématiquement sur le plus faible. C’est une idée reçue. On a maintenant la preuve que le plus faible est quasiment toujours gagnant lorsqu’il fait preuve de suffisamment de créativité.  

La victoire de David sur Goliath
En 1030 avant J.C., David, un jeune berger, a vaincu Goliath, un guerrier supposé invincible. A première vue, David n’avait aucune chance de l’emporter. Mis à part son courage, il cumulait les faiblesses (sa petite taille, son manque d’expérience …). De son côté, Goliath avait tous les atouts (sa grande taille, sa force, son expérience, son armure …). Il ne semblait pas non plus avoir de faiblesse particulière. Pourtant, c’est bien David qui l’a emporté en utilisant sa fronde pour tirer un projectile qui atteignit Goliath au front (et causa sa mort …).

L’histoire de David et de Goliath est souvent utilisée pour illustrer un combat déséquilibré. A priori, le plus fort est censé avoir le dessus sur le plus faible … et l’histoire de David et de Goliath ne serait qu’une exception. Pourtant, une étude d’Ivan Arreguin-Toft (également mentionnée par Malcolm Gladwell) a révélé que ce n’était pas le cas !

Le plus fort ne l’emporte pas toujours sur le plus faible
Arreguin-Toft a analysé 197 conflits ayant opposé un combattant « fort » et un combattant « faible » depuis le début du 19ème siècle. Plus précisément, ces conflits ont mis aux prises des pays dont l’écart en termes de forces armées et de population était supérieur à dix. Il a alors observé que le combattant le plus fort l’emportait dans exactement 71 % des cas … ce qui n’est pas particulièrement surprenant (même si on aurait pu s’attendre à ce qu’il l’emporte à tous les coups).

Mais Arreguin-Toft ne s’est pas arrêté là. Il a affiné son analyse en prenant en compte les stratégies utilisées par les deux combattants. Ses résultats deviennent alors particulièrement intéressants … Lorsque le combattant le plus faible utilise la même stratégie que le combattant le plus fort, il est vaincu dans 76% des cas. Cela se produit notamment quand les deux combattants optent pour une attaque frontale. En revanche, le combattant le plus faible est vainqueur dans 63% des cas lorsqu’il utilise une stratégie différente de celle du combattant le plus fort. C’est notamment le cas lorsque le combattant le plus faible opte pour une stratégie de guérilla (visant à saper le moral de son opposant …) alors que le combattant le plus fort opte pour une attaque frontale (visant à détruire l’armée de son opposant …). En bref, la victoire de David sur Goliath n’a rien d’une exception. Elle ne fait que refléter une règle plus générale !

Quelles implications pour les entreprises ?
Dans le monde de l’entreprise, on raisonne souvent en termes de forces et de faiblesses. On pense qu’il faut impérativement posséder les atouts qui ont permis à certaines entreprises de connaître le succès pour espérer connaître le même sort. C’est une erreur ! Si ce raisonnement était exact, jamais David ne serait parvenu à battre Goliath. Le propre d'une bonne stratégie est de remettre en cause ce qui est habituellement considéré comme une force ou une faiblesse. Ce qui semblait être une faiblesse de David (sa petite taille …) s’est finalement révélé être un atout (car elle lui conférait une plus grande mobilité …). Elle a également permis de révéler les faiblesses de Goliath (son manque de mobilité et le fait que son front n’était pas protégé …).

En résumé, même si une entreprise ne possède pas tous les atouts, elle n’est pas forcément condamnée. Comme pour David, certaines de ses faiblesses peuvent se révéler être des forces. En revanche, les entreprises dominantes doivent rester prudentes. Comme pour Goliath, leurs forces peuvent parfois se transformer en faiblesses …

vendredi 1 mars 2013

Qu’est-ce que la sérendipité (et quel rôle a-t-elle joué dans la naissance de YouTube) ?




La sérendipité est l’un des concepts les plus ambigus du management. Mais qu’entend-on exactement par sérendipité ? Quel rôle a-t-elle joué dans la naissance de tant d’entreprises à succès ?


La sérendipité, un concept ambigu …
Le terme « sérendipité » a été créé par le romancier anglais Horace Walpole. Il s’inspire d’un conte oriental intitulé « Les trois princes de Serendip ». La sérendipité peut être définie comme le fait de trouver ce que l’on ne cherchait pas. L’exemple le plus connu est sans doute celui de Christophe Colomb … qui a découvert l’Amérique alors qu’il cherchait une nouvelle route vers les Indes. La sérendipité est à l’origine de nombreuses découvertes scientifiques (comme la pénicilline ou le Viagra par exemple). Dans le monde de l’entreprise, l’exemple le plus connu est celui de l’invention du Post-It … par un chercheur qui voulait mettre au point une colle extra-forte ! Mais la sérendipité est à l’origine de nombreux autres succès.

La sérendipité doit être distinguée de la pseudo-sérendipité qui consiste à finir par trouver ce que l’on cherchait … mais d’une autre manière que celle que l’on avait imaginée. Elle ne doit pas non plus être confondue avec la chance. Comme l’a bien analysé Nicholas Dew, il s’agit d’un concept beaucoup plus ambigu qui repose sur l’interaction de trois éléments distincts :
  • une recherche active. Pour trouver ce que l’on ne cherchait pas, il faut obligatoirement être en train de chercher quelque chose !
  • un hasard heureux. C’est ici qu’intervient la chance (ou plutôt un événement totalement inattendu qui influence fortement le cours des choses) ;
  • de la sagacité et des connaissances. Avoir de la chance ne suffit pas. Plus on a de sagacité (et de connaissances), plus on sera capable d’en bénéficier.

La naissance de YouTube, un exemple de sérendipité
Depuis sa création, YouTube est le site leader de partage de vidéos. Avec le recul, l’idée consistant à donner la possibilité aux internautes de mettre en ligne et de visionner des vidéos paraît d’une simplicité enfantine. Nombreux sont ceux qui se demandent encore pourquoi ils n’y ont pas pensé ! Ce qui est plus surprenant est que les fondateurs de YouTube n’y avaient pas non plus pensé (du moins dans un premier temps) !

A l’origine, ils avaient créé un site de rencontres sur lequel les adhérents pouvaient « poster » des vidéos où ils se mettaient en scène (Tune In, Hook Up). Ce site a fait un « flop »… mais sa technologie a servi de base à celui que nous connaissons actuellement. Le déclic a eu lieu à un moment bien particulier. Après avoir participé à un dîner, deux des futurs fondateurs de YouTube veulent envoyer la vidéo qu’ils ont réalisée aux autres convives. Le fichier est trop volumineux … et ils n’y parviennent pas. Au même moment, le troisième futur fondateur enrage de ne pas trouver la vidéo de la déconvenue de Janet Jackson au Super Bowl ... Ils ont alors l’idée de créer un site permettant aux internautes de mettre en ligne et de visionner des vidéos. Lancé au début de l’année 2005, YouTube été racheté par Google dix-huit mois plus tard. Montant de la transaction : 1,65 milliards de dollars.

La naissance de YouTube illustre à merveille le concept de sérendipité. Elle n’avait pas été planifiée par les trois fondateurs … mais elle n’aurait jamais eu lieu si :
  • ils n’avaient pas été dans une logique de création d’entreprise avec Tune In, Hook Up (recherche active) ;
  • ils n’avaient pas voulu quasi-simultanément envoyer une vidéo à leurs amis et voir (ou revoir) la déconvenue de Janet au Superbowl (le hasard heureux …) ;
  • ils n’avaient pas immédiatement identifié le potentiel du partage de vidéos en ligne et eu à leur disposition la technologie permettant de lancer le nouveau site (sagacité et connaissances).

En conclusion, la sérendipité joue un rôle beaucoup plus important qu’on ne le croit dans la plupart des succès. Comme l’a bien formulé Louis Pasteur : « La chance ne sourit qu’aux esprits bien préparés. » Il ne faut donc pas hésiter à « se lancer », faire preuve de sagacité et essayer de provoquer la chance !