vendredi 16 janvier 2015

Pourquoi la qualité totale, la méthode Six Sigma et la norme ISO 9000 empêchent-elles les entreprises d’innover ?



De nombreuses entreprises ont adopté le management par les processus. Si elles en bénéficient à court terme, les implications à long terme sont souvent plus mitigées …

L’essor du management par les processus
Depuis les années 1980, le management par les processus (qualité totale, méthode Six Sigma, norme ISO 9000 …) s’est diffusé dans la plupart des entreprises. A l’origine, il était cantonné à la production. Par la suite, il a touché de nombreuses autres fonctions.

La rationalisation des processus est souvent bénéfique pour les entreprises. Elle permet d’améliorer leur efficience (et donc leur performance à court terme). Mais quels sont ses effets sur la performance à long terme ?

Pour le savoir, Mary Benner et Michael Tushman ont étudié l’influence de la norme ISO 9000 sur la capacité d’innovation des entreprises dans deux secteurs d’activité : la photographie (un secteur « high tech ») et la peinture (un secteur « low tech »).

Management par les processus et innovation …

Comme souvent dans ce type d’étude, la capacité d’innovation a été mesurée par le nombre et le type de brevets déposés par les entreprises. Les deux chercheurs distinguent les innovations incrémentales (qui s’appuient sur des connaissances qui existent déjà dans l’entreprise … mais dont la portée reste limitée) et les innovations radicales (qui nécessitent de développer de nouvelles connaissances … mais dont l’influence peut être considérable).

Les résultats de l’étude sont sans appel. Les entreprises qui ont mis en place la norme ISO 9000 réalisent moins d’innovations radicales que les autres. Cet effet est particulièrement marqué dans les secteurs « high tech » (où l’innovation est cruciale …). Il l’est un peu moins dans les secteurs « low tech ». A l’inverse, on peut noter qu’elles réalisent plus d’innovations incrémentales que les autres. Cet effet peut être observé dans les secteurs « high tech » comme dans les secteurs « low tech ».

… un oxymore ?
Pourquoi les entreprises qui ont adopté le management par les processus réalisent-elles moins d’innovations radicales et plus d’innovations incrémentales que les autres ? L’explication est simple. Pour développer des innovations radicales, une entreprise doit expérimenter. Plus une entreprise rationalise ses processus, moins elle laisse de place à l’expérimentation … En revanche, les innovations incrémentales sont cohérentes avec la « philosophie » du management par les processus. Elles sont moins ambitieuses et permettent souvent d’améliorer l’efficience à court terme.

En bref, le management par les processus est souvent néfastes à long terme parce qu’il empêche les entreprises de se renouveler. Le problème est qu’il existe un décalage temporel entre sa mise en place et la matérialisation de ses effets délétères. Les entreprises éprouvent alors les plus grandes difficultés à faire le lien entre la cause (le management par les processus) et l’effet (la réduction de la capacité d’innovation). Elles continuent alors à utiliser des techniques beaucoup moins intéressantes qu’elles ne le pensent …

2 commentaires:

  1. Heureusement de nombreuses entreprises utilisent autrement la Qualité en R&D pour assurer le succès de leurs innovations. Voir le livre que je viens de publier. Le lien :

    http://iste-editions.fr/products/l-innovation-reussie-par-la-qualite



    Ces méthodes peuvent également être utilisées dans les incubateurs

    Pierre Maillard
    maillard.pierre@wanadoo.fr

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  2. Je trouve personnellement l'analyse un peu trop... élémentaire.

    Certes, il y a eu historiquement beaucoup de subversions autour du mot processus, du management des processus: durcissement abusif de mécanismes qui méritaient d'être gardés en agilité adaptative, confusion entre processus et procédures, formalisations mécanistes là ou l'adaptation organique, oubli des aspects humains, .... Les études mentionnées confortent sans doute ce point...

    Mais dans beaucoup d’organisations, le management PAR les processus signifie autre chose. C'est l'importance donnée à la transversalité par rapport au management vertical, pour enfin servir le client dans un environnement concurrentiel durci.

    Si veut se transformer, même de façon radicale, vers un "to be" désirable, il faut connaître le "as is" pour pouvoir trouver la voie de la transformation vers le "to be". L'approche processus est indispensable là pour se connaître, trouver le chemin, voire le simuler à travers des moteurs puissants de type BPMS.

    Il y aura toujours des zones de l'organisation que l'on aura intérêt à "durcir" (par la formalisation des choses, par de l'informatisation, ...), pour pérenniser la différenciation de l'entreprise, et des zones qu'il serait stupide de "durcir", qu'il faut absolument laisser le liberté adaptative.

    C'est tout l'enjeu managérial de savoir où mettre le curseur entre ce qui relève du dur et de l'agile.
    Un point de vue sur ce thème spécifique: http://davidjf.free.fr/IM.pdf

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