mercredi 31 décembre 2014

Pourquoi est-il plus facile d’atteindre ses objectifs lorsqu’on ne les vise pas directement ?



Paradoxalement, il est souvent plus facile d’atteindre ses objectifs lorsqu’on ne les vise pas directement. On parle alors du principe d’obliquité.


Le principe d’obliquité
La sonde spatiale Messenger a été lancée en août 2004. Elle a commencé par revenir vers la Terre. Puis, elle est passée deux fois à proximité de Vénus et a fait trois fois le tour de Mercure. Elle a fini par se placer dans son orbite en mars 2011 … Alors que Mercure est située à 80 millions de kilomètres de la Terre, la trajectoire en spirale de Messenger lui a fait parcourir 8 milliards de kilomètres. Pourquoi la NASA n’a-t-elle pas directement visé Mercure ? Tout simplement parce que Messenger se serait écrasée à sa surface ou qu’elle se serait perdue dans l’Espace …

Comme l’a expliqué John Kay dans l’ouvrage éponyme le vol de Messenger illustre le principe d’obliquité (« obliquity ») : il est souvent plus facile l’atteindre ses objectifs lorsqu’on ne les vise pas directement. Ce principe est très général. Il permet notamment de comprendre pourquoi les gens les plus heureux ne sont pas toujours ceux qui cherchent le plus à l’être. Il présente également un intérêt pour les entreprises. Paradoxalement, il suggère que les entreprises les plus rentables ne sont pas toujours celles qui mettent le plus l’accent sur la rentabilité !

L’exemple de Boeing
Boeing doit beaucoup à son PDG Bill Allen. Sous sa direction, le constructeur aéronautique a connu un succès considérable avec le 737 (l’avion le plus vendu de l’histoire …) et le 747 (un pari technologique très risqué …). La raison d’être de Boeing était alors de « manger, respirer et dormir pour l’aéronautique ». Les aspects financiers passaient au second plan. Lorsqu’un membre non exécutif du Conseil d’Administration se renseigna sur la rentabilité attendue du 747, on lui répondit que les calculs avaient été faits … mais que plus personne ne se souvenait du résultat !

A la fin des années 1990, Bill Allen fut remplacé par Phil Condit à la tête de Boeing. Sous l’impulsion du nouveau PDG, les « défis technologiques » passèrent au second plan. Les priorités de l’entreprise devinrent la maîtrise des coûts, la rentabilité et la « valeur pour l’actionnaire ». Pourtant, Boeing créa beaucoup moins de valeur pour l’actionnaire sous la direction de Phil Condit que sous celle de Bill Allen.

Des limites
Le principe d’obliquité suggère donc que l’on parvient plus facilement à atteindre un objectif lorsqu’on ne le vise pas directement. S’il présente de nombreuses qualités, il doit être manié avec précautions. D’une part, son intérêt est limité lorsque l’objectif et les moyens de l’atteindre sont simples. Il s’applique surtout aux situations complexes. D’autre part, l’objectif qui permet d’atteindre (indirectement) son véritable objectif n’est pas toujours facile à identifier. Il faut également veiller à ne pas se perdre en chemin.

vendredi 5 décembre 2014

Pourquoi les entreprises devraient-elles plus valoriser les « râleurs » ?



Les entreprises ne peuvent pas s’améliorer si elles ne corrigent pas leurs dysfonctionnements. Paradoxalement, les « râleurs » peuvent les y aider …

Une approche fréquente pour faire face aux dysfonctionnements
AnitaTucker et Amy Edmondson ont étudié la manière dont les infirmières font face aux dysfonctionnements dans les hôpitaux. Pour cela, elles se sont intéressées à vingt-six infirmières travaillant dans neuf hôpitaux (239 heures d’observation …).

Elles racontent notamment l’histoire d’une infirmière d’un service de cancérologie. Après s’être rendu compte qu’elle n’avait plus de draps propres dans son service, elle a résolu le problème de manière très simple … en cherchant des draps dans un autre service.

A première vue, l’infirmière semble avoir pris la décision qui s’imposait. Malheureusement, les choses sont plus un peu plus compliquées. Comme l’infirmière est la seule à s’être rendu compte du dysfonctionnement (le manque de draps propres dans son service …), il est probable qu’il se reproduira. Surtout, le dysfonctionnement s’est déplacé dans une autre partie de l’organisation (le service où l’infirmière est allée chercher les draps propres …).

Une approche plus efficace
Le comportement de cette infirmière peut être observé dans la plupart des entreprises. Pour faire face à un dysfonctionnement, les employés et les managers se contentent généralement de parer au plus pressé. Ils ne s’attaquent pas à leurs causes profondes pour plusieurs raisons :
ils sont de plus en plus autonomes et ont l’obligation d’apporter une réponse rapide aux problèmes qu'ils rencontrent ;
ils ont de moins en moins le temps pour identifier les responsables des dysfonctionnements et les convaincre de les corriger ;
avec l’aplatissement des structures, ils ont de moins en moins de soutien pour les aider à corriger les dysfonctionnements.

Eloge des « râleurs »
Dans de nombreuses entreprises, l’employé ou le manager « modèle » est celui qui sait parer au plus pressé. Alors que ce comportement est bénéfique à court terme, il est totalement contre-productif à long terme. En effet, il masque les dysfonctionnements de l’entreprise …qui n’ont alors aucune chance d’être corrigés.

Que faire ? Paradoxalement, il faudrait peut-être plus valoriser les employés et managers « râleurs » (« noisy complainers ») qui attirent l’attention sur les problèmes. Pour résoudre un problème, il faut commencer par l’identifier … et il n’y a rien de mieux qu’un « râleur » pour cela !