vendredi 20 juin 2014

Les dirigeants ont-ils intérêt à assumer leurs échecs ?



Comment les dirigeants doivent-ils réagir lorsque leur entreprise traverse une mauvaise passe financière ? Ont-ils intérêt à assumer cette contre-performance ou à se défausser sur l’environnement ?

Comment réagit-on face à un succès ou à un échec ?
On ne réagit pas de la même manière face à un succès ou un échec. Comme l’ont montré de nombreuses recherches, on a tendance à s’attribuer ses succès … et à blâmer les autres pour ses échecs.

Sans surprise, ce phénomène peut également être observé dans le monde de l’entreprise. Lorsqu’une entreprise se porte bien, ses dirigeants l’expliquent généralement par leur talent ou par le caractère visionnaire de leur stratégie. Lorsque ce n’est pas le cas, ils ont plutôt tendance à invoquer une mauvaise conjoncture.

Assumer ou ne pas assumer ses échecs ?
Les dirigeants assument rarement leurs échecs. Auraient-ils intérêt à le faire ? La réponse à cette question n’est pas évidente. D’un côté, un dirigeant qui assume ses échecs peut perdre sa crédibilité. D’un autre côté, il n’est pas sûr que refuser de prendre ses responsabilités soit plus convaincant. Que faire ?

Pour répondre à cette question, Fiona Lee, Christopher Peterson et Larissa Tiedens ont analysé les rapports annuels de quatorze entreprises sur plus de vingt ans. Lorsqu’une entreprise traverse une mauvaise passe financière, ses dirigeants ont deux options : assumer cette contre-performance ou se défausser sur l’environnement. L’examen détaillé des « lettres aux actionnaires » leur a permis de déterminer la stratégie utilisée par les dirigeants … et son influence sur le cours de bourse l’année suivante.

Il vaut mieux assumer ses échecs
Les résultats de l’étude sont très instructifs. Ils montrent que le cours de bourse des entreprises dont les dirigeants assument la contre-performance financière s’améliore de 14 à 19% par rapport à celui des entreprises dont les dirigeants refusent de le faire (en invoquant des éléments comme « un cours du dollar particulièrement faibles » ou « un des pires hivers que nous avons connu » …).

Comment expliquer ce résultat ? Les dirigeants qui assument la contre-performance de leur entreprise envoient un signal au marché : ils sont conscients de la situation et feront tout pour l’améliorer. Les dirigeants qui se défaussent sur l’environnement donnent l’impression de ne rien contrôler. Les marchés ont alors tendance à les sanctionner ….

En bref, les dirigeants ont intérêt à assumer leurs échecs. Ils peuvent blâmer l’environnement mais les marchés ne sont pas dupes (et ils ne sont certainement pas les seuls …).

jeudi 5 juin 2014

A quelles questions toute entreprise doit-elle être capable de répondre ?




La stratégie d’une entreprise s’articule autour de trois questions. Si une entreprise n’est pas capable d’y répondre, elle n’a pas de stratégie. Si elle y apporte les « bonnes » réponses, elle a une stratégie qui la mènera au succès.

L’histoire de Nespresso
Nespresso connaît actuellement un succès considérable. Pourtant, ce produit a d’abord frôlé l’échec. Lorsqu’il a été lancé en 1986, il s’adressait aux entreprises et aux restaurants. Nestlé avait également créé une coentreprise avec un partenaire suisse pour commercialiser les capsules et les machines à café.

En 1988, la situation était au point mort et la Direction de Nestlé songeait sérieusement à mettre un terme au projet. C’est à ce moment que Jean-Paul Gaillard est entré en scène. En redéfinissant la stratégie de Nespresso, il a transformé un produit à la dérive en une « success story ».

Trois questions pour une stratégie
Qu’est-ce que la stratégie ? C’est avant tout un ensemble de choix. Comme l’ont noté Costas Markides et Daniel Oyon, ces choix s’articulent autour de trois questions :
  • Qui ? (A quels clients nous adressons-nous ?)
  • Quoi ? (Quels produits ou services leur proposons-nous ?)
  • Comment ? (De quelle manière faisons-nous cela mieux que nos concurrents ?)

Si une entreprise est incapable de répondre à ces trois questions, elle n’a pas de stratégie. Si elle parvient à y répondre, elle a une stratégie. Si elle y apporte les « bonnes » réponses, elle a une stratégie qui la mènera au succès … mais elle ne le saura qu’a posteriori !

Retour sur Nespresso
Lorsqu’il a pris la tête de Nespresso, Jean-Paul Gaillard a apporté de nouveaux éléments de réponse aux trois questions-clés de la stratégie :
  • Qui ? Plutôt que de cibler les entreprises et les restaurants, il s’est attaqué au marché des particuliers « aisés » ;
  • Quoi ? Au lieu de commercialiser les capsules et les machines à café, il a repositionné Nespresso sur les capsules de café « haut de gamme » plus rentables et plus proches du « cœur de métier » de Nestlé que les machines à café ;
  • Comment ? Plutôt que de passer par la grande distribution, il a décidé de vendre les capsules par l’intermédiaire d’un « Club » dont les acheteurs de machines à café deviennent automatiquement membres.

Aujourd’hui, il est évident que la stratégie de Jean-Paul Gaillard était la « bonne ». Une stratégie est un ensemble de choix … dont on ne saura qu’a posteriori s’ils étaient les « bons ». Jean-Paul Gaillard s’est donc fié à son instinct … en prenant quelques libertés avec la vérité. Comme il l’a raconté : « Ma proposition de cibler les particuliers plutôt que les entreprises a eu du mal à passer auprès de la Direction de Nestlé. Même si je n’en étais pas sûr à 100%, j’avais l’intuition que c’était ce qu’il fallait faire. Pour convaincre mon chef, je lui ai proposé d’effectuer un test. Nous avons mis des machines en vente dans cinq magasins en Suisse. Mon objectif était de montrer que nous pouvions en écouler 100 en une semaine. Nous n’en avons vendu que 58 … mais je ne l’ai pas dit à mon chef ! »