lundi 22 janvier 2018

Vins de Bordeaux : les algorithmes meilleurs que les experts ?




Pour évaluer la qualité des vins de Bordeaux "en primeur", les algorithmes sont peut-être meilleurs que les critiques ... 

Au printemps de chaque année, les critiques vinicoles affluent à Bordeaux pour goûter le nouveau millésime alors qu’il est encore en barriques. C’est un exercice particulièrement difficile car les vins sont encore très jeunes. Le pouvoir des critiques est immense car leurs notes influencent les acheteurs du monde entier.

Orley Ashenfelter est un économiste américain. Professeur à l’université de Princeton, il a été rédacteur en chef de the American Economic Review (la revue d’économie la plus prestigieuse au monde …). En étudiant la relation entre la météo et les prix des vins de Bordeaux sur plusieurs dizaines d’années, il a obtenu la formule suivante :

Qualité du millésime =
-12,14540
+ 0,00117 * nombre de jours de pluie en hiver
+ 0,61640 * température moyenne au printemps et en été
– 0,00386 * nombre de jours de pluie pendant la période de vendanges.

D’après Ashenfelter, il n’est donc pas nécessaire de goûter les vins pour déterminer la qualité d’un millésime. Une équation comportant quelques variables météorologiques est largement suffisante. Autant dire que les critiques vinicoles n’ont pas beaucoup apprécié la formule d’Ashenfelter. Une controverse a notamment éclaté entre Ashenfelter et le célèbre critique américain Robert Parker. D’après lui, l’économiste "appréhende le vin à la manière d’un homme de Neandertal. C’est tellement absurde que cela prête à rire."

En 1990, le New York Times a fait sa couverture sur la formule d’Ashenfelter. Dans l’interview qu’il a donnée au quotidien, l’économiste reprochait à Parker d’avoir surévalué le millésime 1986. Il avait fait très froid au printemps et en été. Il avait également beaucoup plu pendant les vendanges. Il était donc évident que le millésime 1986 ne serait pas bon. Dans la même interview, Ashenfelter prédisait que le millésime 1989 serait le "millésime du siècle" … plusieurs mois avant que les critiques ne le goûtent. Rappelons que les données météorologiques jusqu’aux vendanges suffisent pour prédire la qualité d’un millésime en utilisant la formule d’Ashenfelter. Pour Parker, c’était "ridicule et absurde". Le millésime 1989 s’avéra pourtant très bon … Surtout, Ashenfelter parvint à montrer que les notes attribuées par Parker lors des dégustations en primeur étaient systématiquement surévaluées (ce qui arrangeait bien les viticulteurs bordelais …). Il finissait presque toujours par les réviser à la baisse.

Depuis cette controverse, les avis des critiques se sont rapprochés de la formule d’Ashenfelter. Pour l’économiste américain : "les critiques ne font plus d’erreurs aussi manifestes que par le passé..."

Source : Ayres, I. (2008). Super Crunchers: how anything can be predicted. John Murray.

vendredi 5 janvier 2018

Des dirigeants qui font le bouclier humain pour sauver leurs employés




Les meilleurs dirigeants n'hésitent pas à mettre leur démission dans la balance pour protéger leurs équipes ... 

Au milieu des années 1980, LucasFilm (la société de production rendue célèbre par la saga Star Wars) possédait une petite entité spécialisée dans les images de synthèse. Georges Lucas ne croyait pas beaucoup à l’avenir de la « computer division ». Il demanda donc à Doug Norby (son bras droit) de la restructurer. Norby convoqua Ed Catmull et Alvy Ray Smith (les deux responsables de la « computer division ») et leur demanda de faire un plan social. Catmull et Smith ne parvenaient pas à s’y résoudre. Pour sauver leurs collaborateurs, ils essayèrent de convaincre Norby que les licenciements fragiliseraient la « computer division ». Lorsque Georges Lucas déciderait de la vendre, elle ne vaudrait quasiment plus rien.

Mais Norby ne voulait rien entendre. Il finit par adresser un ultimatum à Catmull et Smith : « Vous avez jusqu’à demain matin à neuf heures pour me fournir une liste de noms. » Le lendemain à neuf heures, Catmull et Smith se présentèrent dans le bureau de Norby et déposèrent la liste sur son bureau. Elle contenait deux noms : Ed Catmull et Alvy Ray Smith. Norby renonça au plan social et tous les employés de la « computer division » conservèrent leur poste. Quelques mois plus tard, Steve Jobs racheta la « computer division » de Lucasfilm pour 10 millions de dollars. Elle prit le nom de Pixar et révolutionna le film d’animation avec des dessins animés tels que Toy Story ou Le Monde de Nemo. En 2006, Steve Jobs revendit Pixar à Disney pour un montant de 7,4 milliards de dollars. Une belle plus-value pour un investissement initial de 10 millions de dollars !

L’histoire de Pixar est un cas extrême. Il n’est pas toujours nécessaire de mettre sa démission dans la balance pour protéger ses collaborateurs. Pourtant, elle illustre bien une caractéristique qui distingue les meilleurs dirigeants des autres : ils n’hésitent pas à jouer le rôle de « bouclier humain ». En protégeant leurs équipes, ils créent un climat de confiance … qui se traduit rapidement par une performance accrue.

Source : Sutton, R. (2010), Good Boss, Bad Boss, Business Plus.