vendredi 24 mai 2013

Comment identifier les « joyaux de la couronne » d’une entreprise ?



Parmi toutes leurs ressources et compétences, les entreprises ont souvent du mal à identifier celles qui peuvent leur conférer un avantage concurrentiel. Un modèle issu de la recherche en management peut les aider à identifier leurs « joyaux de la couronne ».

Le cas d’une entreprise spécialisée dans la location et l’entretien du linge
L’anecdote suivante a été relatée par Michael Rouse et Urs Daellenbach. Malgré un chiffre d’affaires en croissance régulière, une entreprise spécialisée dans la location et l’entretien de linge souffrait d’une faible rentabilité. Elle confia alors une mission de conseil à un professeur d’une Business School. L’objectif était de l’aider à réduire ses coûts. Sur les conseils du consultant, la Direction de l’entreprise était sur le point de prendre la décision d’externaliser la fonction logistique, une source de coût importante. C’est à ce moment qu’un chauffeur livreur proposa au consultant de l’accompagner dans une de ses tournées … pour lui montrer comment les choses se passaient vraiment sur le terrain.

Cette expérience fut particulièrement riche d’enseignements pour le consultant. En effet, il s’aperçut que le chauffeur livreur avait développé des relations très proches avec chacun de ses clients. Il les appelait par leur prénom, connaissait beaucoup de choses sur le fonctionnement de leur entreprise et même sur leur vie privée ! Le consultant effectua des tournées avec d’autres chauffeurs livreurs … et observa exactement le même phénomène. Tous avaient développé d’excellentes relations avec « leurs » clients …

Le modèle VRIO
Les entreprises éprouvent souvent des difficultés à identifier les ressources et les compétences qui peuvent leur conférer un avantage concurrentiel. Un modèle simple (mais efficace !) développé par Jay Barney peut les y aider. D’après le modèle VRIO, une ressource ou une compétence doit remplir quatre critères pour être une source d’avantage concurrentiel :
  • Valeur : elle doit impérativement créer de la valeur pour le client. Si ce n’est pas le cas, elle ne présente qu’un intérêt limité pour l’entreprise qui la détient ; 
  • Rareté : elle ne doit pas être détenue par un grand nombre d’entreprises (idéalement par une seule …). Si elle n’est pas unique, elle ne permet pas de creuser l’écart par rapport à la concurrence ; 
  • Inimitabilité : elle doit impérativement être très difficile (et coûteuse) à imiter. Si elle est rare mais pas inimitable, elle permet de se distinguer de la concurrence … mais seulement pendant un laps de temps limité ; 
  • Organisation : enfin, l’entreprise doit être organisée de manière à pouvoir bien l’exploiter.

Les apports du modèle VRIO pour l’ entreprise spécialisée dans la location et l’entretien du linge
De retour de ses tournées avec les chauffeurs livreurs, le consultant organisa une réunion avec la Direction de l’entreprise. En passant au filtre du modèle VRIO l’ensemble des ressources et des compétences de l’entreprise, ils finirent par se rendre compte qu’une seule ressource remplissait les quatre critères : les excellentes relations qu’elle avait développées avec ses clients par l’intermédiaire de sa flotte de chauffeurs livreurs. Cette proximité avec les clients datait des origines de l’entreprise. Elle avait perduré … sans que les dirigeants actuels en soient réellement conscients. Paradoxalement, ils étaient sur le point d’externaliser (et donc de démanteler …) la seule source d’avantage concurrentiel de leur entreprise !

vendredi 10 mai 2013

Recruter des « stars » permet-il à une entreprise d’améliorer sa performance ?



Quel est le moyen le plus rapide pour une entreprise d’accroître sa performance ? A première vue, recruter une ou plusieurs « stars » semble être la solution idéale. Malheureusement, ce n’est pas le cas …

Dans le monde de l’entreprise, une « star » est un employé qui présente deux caractéristiques : un niveau de performance élevé et une forte visibilité sur le marché du travail. Lorsqu’une entreprise souhaite accroître rapidement sa performance, elle est souvent tentée de recruter une « star » (ou plusieurs si elle en a les moyens …).

Boris Groysberg, Linda-Eling Lee et Ashish Nanda ont suivi la trajectoire de plus de 1.000 analystes financiers « stars » employés par 78 banques d’affaires sur une période de 9 ans. Ils se sont plus particulièrement intéressés aux 366 changements d’employeurs effectués par les « stars » de l’analyse financière sur cette période. Leurs résultats remettent en cause plusieurs idées reçues …

Changement d’employeur et niveau de performance d’une « star »
La première idée reçue (mais fausse …) est que le niveau de performance d’une « star » reste stable lorsqu’il change d’employeur. En effet, les résultats de l’étude montrent que les analystes financiers « stars » voient leur performance diminuer de manière considérable lorsqu’ils sont débauchés par une banque concurrente. En moyenne, il faut attendre cinq ans pour qu’ils retrouvent leur niveau de performance initial !

Ressources du nouvel employeur et niveau de performance d’une « star »
La deuxième idée reçue (tout aussi fausse …) est que les ressources du nouvel employeur n’ont qu’une influence limitée sur la performance d’une « star ». Comme le montre l’étude, les analystes financiers « stars » qui se font recruter par une banque qui dispose de moins de ressources que leur banque d’origine voient leur niveau de performance décliner de manière considérable. Seules les « stars » qui se font recruter par une banque qui dispose de plus de ressources que leur employeur d’origine parviennent à maintenir leur niveau de performance. Dans le même ordre d’idées, seuls les « stars » qui se font embaucher avec toute leur équipe parviennent à conserver leur niveau de performance initial. Lorsque les analystes financiers « stars » sont seuls à rejoindre une nouvelle banque, leur niveau de performance décline très fortement.

Recrutement d’une « star » et cours de bourse du nouvel employeur
La troisième idée reçue (complètement fausse …) est que les marchés valorisent les entreprises qui recrutent des « stars ». Contre toute attente, les entreprises qui embauchent des « stars » voient plutôt leur cours de bourse baisser. Comment expliquer ce phénomène ? En fait, les marchés font le raisonnement suivant :
  • une entreprise parvient à recruter une « star » lorsque son employeur d’origine refuse de s’aligner sur les nouvelles conditions ;
  • l’employeur d’origine est celui qui connaît le mieux la « star ». Si la « star » méritait vraiment de meilleures conditions, il se serait aligné pour la retenir ;
  • s’il a refusé de s’aligner, c’est que les nouvelles conditions sont trop avantageuses ;
  • le nouvel employeur s’apprête donc à « surpayer » la « star » et il est sanctionné par les marchés …

En bref, la performance des « stars » doit beaucoup à leur environnement de travail et elles sont moins mobiles qu’on le pense (même les analystes financiers …). Il vaut donc mieux chercher à développer ses propres « stars » qu’à en recruter à l’extérieur. Elles ne tiendront pas leurs promesses et la capitalisation boursière de l’entreprise qui les recrute en souffrira …