lundi 29 septembre 2014

Pourquoi les incitations financières peuvent-elles réduire la performance ?



Contrairement à ce que l’on pourrait penser, augmenter l’intensité des incitations financières ne permet pas d’accroître leur efficacité. Cela contribue plutôt à la diminuer …


Incitations financières, motivation et performance

Les incitations financières sont particulièrement répandues dans les entreprises. Leur utilisation repose sur deux hypothèses. La première hypothèse est que plus les incitations financières sont fortes, plus les employés sont motivés. La seconde hypothèse est que plus les employés sont motivés, plus ils sont performants. Le problème est que la seconde hypothèse n’est pas forcément vraie …

Une étude sur des rats
Au début du 20ème siècle Robert Yerkes et John Dodson ont mené une étude sur des rats. Les rats étaient enfermés dans une cage. Pour s’en échapper, ils pouvaient utiliser deux sorties … au-dessus desquelles les chercheurs suspendaient aléatoirement une carte blanche ou une carte noire. Les rats qui choisissaient la sortie « blanche » obtenaient une récompense. Ceux qui avaient le malheur d’opter pour la sortie « noire » recevaient un choc électrique !

Yerkes et Dodson avaient réparti les rats en trois groupes. Ceux du premier groupe recevaient un choc faible, ceux du deuxième groupe un choc intermédiaire et ceux du troisième groupe un choc violent. L’étude a montré que les rats du groupe « choc intermédiaire » apprenaient plus rapidement à choisir la bonne sortie que ceux du groupe « choc faible » … mais également que ceux du groupe « choc violent » (que le stress semblait paralyser …).

Une « réplication » sur des humains
La loi de Yerkes – Dodson s’appuie sur cette étude. Elle suggère que la motivation ne doit pas dépasser un certain seuil. Au-delà de ce seuil, elle devient contre-productive. Cette loi est valable pour les rats … mais l’est-elle également pour les humains ?

Pour le savoir, Dan Ariely, Uri Gneezy, George Loewenstein et Nina Mazar ont réalisé une étude dans une région rurale d’Inde (où la faiblesse du pouvoir d’achat permettait de proposer des incitations financières très intéressantes aux participants). En s’inspirant de Yerkes et Dodson, les chercheurs ont utilisé trois types d’incitations : faibles, moyennes (dix fois plus élevées que les incitations faibles) et fortes (cent fois plus élevées que les incitations faibles !).

Comme on pouvait s’y attendre (lorsque l’on connaît la loi de Yerkes – Dodson …), les incitations les plus fortes ont donné de moins bons résultats que les incitations moyennes. La pression était telle que les participants ont « craqué » ! De manière plus inattendue, les incitations faibles ont donné quasiment les mêmes résultats que les incitations moyennes. Les implications de l’étude sont limpides. Si les incitations financières permettent effectivement d’améliorer la performance, elles ne doivent pas dépasser pas un certain seuil. Au-delà de ce seuil, elles deviennent rapidement contre-productives. Au-dessous de ce seuil, le montant importe finalement assez peu.

mardi 16 septembre 2014

Qu'est-ce que l'imovation (et pourquoi faut-il innover ET imiter ses concurrents) ?





Même si on vante souvent l’innovation, il peut être plus judicieux de combiner imitation et innovation. On parle alors d’imovation.

Innover ou imiter ?
Une entreprise doit-elle innover ou imiter les produits de ses concurrents ? L’innovation est souvent portée aux nues car elle permet d’être le premier à entrer sur un nouveau marché. Pourtant, l’imitation présente de nombreux avantages. Elle coûte moins cher en R&D (car le produit existe déjà …). Les dépenses de marketing sont également plus limitées (car les consommateurs sont déjà familiers avec le produit …).
Comme le suggère Oded Shenkar, il faut sortir de cette opposition. Les entreprises à succès n’innovent pas forcément. Elles ne se contentent pas non plus d’imiter les produits de leurs concurrents. Le plus souvent, elles concilient imitation et innovation. On parle alors d’entreprises « imovatrices ».

Xerox, Apple et le Macintosh
En 1970, Xerox crée le PARC (Palo Alto Research Center). Les ingénieurs du PARC bénéficient alors d’une liberté totale et de budgets confortables pour créer des produits innovants. Trois ans plus tard, ils mettent la touche finale à l’Alto, le premier ordinateur personnel. Ce produit révolutionnaire comporte un système de navigation à fenêtres et une souris.

En 1979, Xerox signe un accord avec Apple. Cet accord autorise Xerox à acheter 100.000 actions Apple au prix préférentiel d’un million de dollars. En échange, Steve Jobs obtient la possibilité d’effectuer plusieurs visites dans le PARC. Lors d’une de ces visites, il tombe sur l’Alto. Cinq ans plus tard (et après avoir débauché une quinzaine d’employés de Xerox), Apple commercialise le Macintosh. Son système d’exploitation est une version améliorée de celui de l’Alto. Même si sa souris comporte un bouton au lieu de trois, elle ressemble beaucoup à celle de l’Alto ...

L’imovation
L’histoire du Macintosh est bien connue. Elle suggère que Steve Jobs s’est fortement inspiré de l’Alto. Toutefois, il ne s’est pas contenté de le copier. Il lui a également apporté de nombreuses améliorations. Cette capacité à combiner imitation et innovation est une constante dans l’histoire d’Apple. Elle sous-tend la plupart des succès de cette entreprise. Comme l’a bien résumé l’hebdomadaire The Economist : « Apple est généralement considérée comme une entreprise innovante. En fait, son vrai talent consiste à mêler ses idées avec des technologies qui viennent de l’extérieur … Si elle n’hésite pas à importer des idées de l’extérieur, elle y apporte toujours sa propre touche. »

En bref, qu’est-ce qu’un bon imovateur ? Il ne s’agit pas d’un innovateur. Il ne s’agit pas non plus d’une entreprise qui copie purement et simplement les produits de ses concurrents. Si l’imovateur imite certaines caractéristiques des produits dont il s’inspire, il innove sur d’autres caractéristiques. Tout l’art de l’imovation consiste donc à trouver le juste équilibre entre imitation et innovation.

lundi 8 septembre 2014

Comment identifier les "bons" consultants en management ?



Certains critères objectifs déterminent la performance des consultants en management. Quels sont ces critères ?

Choisir un consultant en management
Le choix d’un consultant en management est toujours difficile. Au-delà du « bouche à oreille », sur quels critères objectifs peut-on s’appuyer ? Pour le savoir, Ansgar Richter et Sascha Schmidt ont analysé les évaluations de cinquante consultants « senior » impliqués dans cent missions de conseil en management.

Ils ont obtenu ces données auprès d’une société suisse qui joue le rôle d’intermédiaire entre des consultants indépendants et leurs clients. A la fin de chaque mission, les clients évaluent les consultants sur six critères : compétence, « orientation client », atteinte des objectifs, durée / coût du projet, rapport qualité / prix et apport de connaissances. Comme les résultats varient peu d’un critère à l’autre, ils ont été agrégés pour former un indicateur de performance global.

Formation, expérience et performance des consultants en management
Les deux chercheurs se sont intéressés à deux critères objectifs susceptibles d’influencer la performance des consultants en management : leur formation et leur expérience.

Les résultats montrent que la performance des consultants augmente avec leur niveau de formation. Les consultants titulaires de doctorats obtiennent notamment les meilleures évaluations. Le type de formation joue aussi un rôle. Les consultants les mieux évalués sont ceux qui ont suivi une formation en sciences sociales. Ils arrivent devant les diplômés en économie / management … et très loin devant les ingénieurs.

Les résultats confirment que l’expérience dans le conseil a une influence positive sur la performance des consultants. L’influence de l’expérience en-dehors du conseil (dans l’industrie ou dans les services) est plus subtile. Jusqu’à un certain seuil (quinze années d’expérience en entreprise …), elle est positive et augmente progressivement. Au-delà de ce seuil, elle devient négative. Pour un consultant en management, il vaut mieux avoir travaillé en entreprise … mais pas trop.

Enfin, l’étude montre que les femmes obtiennent de meilleures évaluations que les hommes ! Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les relations entre la formation, l’expérience et la performance des consultants ne semblent pas dépendre du type de mission (RH, stratégie, organisation, logistique, finance ou marketing). Un « bon » consultant en management est à l’aise dans toutes les missions !

Quels enseignements ?
Avant de choisir un consultant en management, il ne faut surtout pas oublier de l’interroger sur sa formation et sur son expérience (dans le conseil et en-dehors).

Même s’il y a des exceptions, le profil « femme diplômée de haut niveau en sciences sociales avec une grande expérience dans le conseil et une expérience plus limitée en entreprise » donne les meilleurs résultats … alors que le profil « homme diplômé d’une Ecole d’ingénieur avec une grande expérience en entreprise et une expérience limitée dans le conseil » donne les moins bons résultats.