lundi 17 juillet 2017

A-t-on vraiment besoin d'une direction de la stratégie ?



 

Les entreprises qui ont une direction de la stratégie ne sont pas forcément plus performantes que les autres ... 

Aujourd’hui, de nombreuses entreprises ont une direction de la stratégie. Pourquoi les entreprises se dotent-elles d’une direction de la stratégie ? Les entreprises qui ont une direction de la stratégie sont-elles plus performantes que les autres ? Pour le savoir, Markus Menz et Christine Scheef ont mené une étude sur 147 grandes entreprises américaines. D’après cette étude, trois facteurs expliquent le recours à une direction de la stratégie :

  • La diversification. Plus une entreprise est diversifiée, plus elle a tendance à se doter d’une direction de la stratégie ;
  • Les fusions / acquisitions. Plus une entreprise réalise de fusions / acquisitions, plus elle a tendance à se doter d’une direction de la stratégie ;
  • Le degré de centralisation du pouvoir. Plus une entreprise centralise le pouvoir au niveau du comité de direction, plus elle a tendance à nommer un directeur de la stratégie (et donc à se doter d’une direction de la stratégie).

C’est par la suite que les choses se gâtent. Si l’on en croit la Harvard Business Review : « Les entreprises qui nomment un directeur de stratégie en bénéficient à court terme et à long terme. Ces avantages justifient les coûts et la complexité induits par cette nomination. » Malheureusement, les résultats de l’étude ne confirment pas cette affirmation. Les entreprises qui ont une direction de la stratégie ne sont pas plus performantes que les autres.

Cette constatation est valable aussi bien pour la performance comptable que pour la performance boursière. Elle s’applique à toutes les entreprises. Celles qui sont fortement diversifiées, qui réalisent beaucoup de fusions / acquisitions et qui ont fortement centralisé le pouvoir ne bénéficient pas plus d’une direction de la stratégie que les autres.

Comment expliquer ce résultat décevant ? L’explication la plus probable est que les directions de la stratégie n’ont pas suffisamment de pouvoir pour que leur influence se fasse réellement sentir. Il est également possible que leur qualité varie fortement d’une entreprise à l’autre. Alors que certaines d’entre elles sont très compétentes, d’autres le sont moins. Au final, leur impact sur la performance des entreprises reste donc limité...

Sources :
Breene, R., Nunes, P., & Shill, W. (2007), “The chief strategy officer”, Harvard Business Review, 85(10): 84-93.
Menz, M., & Scheef, C. (2014), “Chief strategy officers: Contingency analysis of their presence in top management teams”, Strategic Management Journal, 35(3), 461-471.

lundi 3 juillet 2017

Le « job to be done » ... ou comment remplacer un produit par un service





Confrontée à une forte concurrence, l'entreprise Hilti a retrouvé le succès en transformant ses produits en services ...

Le concept de « job to be done » a été développé par Clayton Christensen et Michael Raynor. Il suggère que les gens sont moins intéressés par les produits qu’ils achètent que par les services que ces produits leur rendent. Ce concept n’est pas nouveau. Dans les années 1960, Theodore Levitt, un professeur de marketing de la Harvard Business School, avait déjà remarqué que « les gens n’ont pas besoin de perceuses. Ils ont besoin de trous dans leurs murs. »

Ce raisonnement a été appliqué au pied de la lettre par Hilti, une entreprise spécialisée dans le petit outillage. A la fin des années 1990, le marché du petit outillage se banalise. Cette évolution est particulièrement dangereuse pour une entreprise positionnée sur le haut de gamme comme Hilti. Les dirigeants de Hilti pensent d’abord à développer des outils encore plus sophistiqués … avant de se rendre compte que les clients n’en ont pas besoin.

Ils remarquent alors un phénomène surprenant : les entreprises de BTP entretiennent de moins en moins leurs outils. Elles se retrouvent alors avec un parc de matériel dépareillé et en mauvais état. C’est gênant car des outils défectueux peuvent suffire à bloquer un chantier pendant plusieurs jours. Les dirigeants de Hilti font alors un raisonnement en termes de « job to be done ». Le fait de posséder ses propres outils n’apporte rien à une entreprise de BTP. En revanche, disposer en permanence d’outils adaptés et en bon état faciliterait la vie d’une entreprise de BTP … et pourrait même lui permettre d’améliorer sa performance. Hilti développe alors une offre d’abonnement qui permet à ses clients d’accéder en temps réel à un parc d’outils complet.

Si cette diversification peut sembler naturelle pour une entreprise comme Hilti, sa mise en œuvre a nécessité un changement complet de « business model ». En effet, on ne vend pas de la même manière des outils à l’unité et des contrats de prestation de service. Des investissements considérables ont également été nécessaires pour permettre le suivi en temps réel des parcs d’outils déployés chez les clients.

Après avoir testé sa nouvelle offre en Suisse, Hilti l’a déployée dans le monde entier. Le succès a été rapide et considérable …

Sources :
Christensen, C., & Raynor, M. (2003), The innovator's solution: Creating and sustaining successful growth, Harvard Business Press.
Johnson, M. (2010), Seizing the white space: Business model innovation for growth and renewal, Harvard Business Press.