lundi 27 octobre 2014

Quelles fusions créent systématiquement de la valeur ?



La plupart des fusions détruisent de la valeur. Faut-il alors y renoncer ? Pas nécessairement car certaines fusions créent systématiquement de la valeur.


Trois types de fusion
Jonathan Knowles, Isaac Dinner et Natalie Mizik ont étudié un échantillon de 216 fusions aux Etats-Unis et sur une période de dix ans. Ils les ont regroupées en trois catégories :
fusion « assimilation » (119 cas). C’est le cas le plus fréquent. Une des entreprises d’origine disparaît totalement dans nouvelle entité. Son nom et son logo sont généralement abandonnés au profit de ceux de l’autre entreprise ;
fusion « comme si de rien n’était » (53 cas). Dans ce cas, les entreprises d’origine coexistent au sein de la nouvelle entité. Elles conservent souvent leur nom et leur logo ;
fusion « meilleur des deux mondes » (44 cas). Dans ce cas, la nouvelle entité s’appuie sur les spécificités des entreprises d’origine pour créer quelque chose d’unique. Il est fréquent que son nom et son logo combinent ceux des entreprises d’origine.

Quel impact sur la création de valeur ?
Les trois chercheurs se sont alors intéressés à la réaction des marchés face aux trois types de fusions. Rappelons que cette réaction est généralement négative.

Au moment de la fusion, il n’y a aucune création de valeur. Les fusions « assimilation » perdent 2,8% par rapport au marché. Les résultats de l’approche « comme si de rien n’était » sont un peu meilleurs … mais à peine (- 1,8%). Seule l’approche « meilleur des deux mondes » ne détruit pas de valeur … mais elle n’en crée pas non plus.

Trois ans après la fusion, la situation s’est décantée. Les fusions « comme si de rien n’était » ont décroché de 30% par rapport au marché. Les fusions « assimilation » s’en tirent à peine mieux avec une baisse de 18%. Seules les fusions « meilleur des deux mondes » font nettement mieux que le marché (+ 13%).

Pourquoi les fusions « meilleur des deux mondes » sont-elles créatrices de valeur ?

Certains dirigeants pensent que le meilleur moyen de réussir une fusion est d’assimiler l’entreprise qu’ils viennent de racheter. D’autres dirigeants pensent qu’elle doit conserver son indépendance. Cela explique que la plupart d’entre eux optent pour l’approche « assimilation » ou pour l’approche « comme si de rien n’était ».

Pourtant, les deux approches sont à éviter ! Une fusion ne crée pas de valeur sans un minimum d’intégration. Il n’est donc pas surprenant que l’approche « comme si de rien n’était » soit rarement couronnée de succès. L’approche « assimilation » présente également un travers majeur. En gommant les spécificités des entreprises d’origine, elle réduit le potentiel de création de valeur. Le simple effet de taille est rarement suffisant pour justifier une fusion.

Au final, seule l’approche « meilleur des deux mondes » permet de créer une nouvelle entité qui est plus que la somme des entreprises d’origine … et donc de la valeur.

mardi 14 octobre 2014

Pourquoi les entreprises attendent-elles le dernier moment pour changer ?



Si les entreprises rechignent souvent à changer, elles sont plus susceptibles de le faire dans certaines conditions …

Niveau de performance atteint, niveau de performance souhaité et changement
Le changement représente toujours un saut dans l’inconnu. Il n’est donc pas surprenant que les entreprises (et leurs dirigeants …) soient généralement réticentes à changer. Lorsque certaines conditions sont réunies, elles se montrent pourtant moins frileuses.

Quelles sont ces conditions ?

D’après la théorie « comportementale de la firme », l’écart entre le niveau de performance atteint et le niveau de performance souhaité joue un rôle crucial. Tant que le niveau de performance d’une entreprise est supérieur au niveau de performance qu’elle souhaite atteindre, ses dirigeants sont peu enclins au changement. Lorsque ce n’est plus le cas, la probabilité que ses dirigeants optent pour le changement augmente très nettement.

Notons que le niveau de performance souhaité est influencé par deux variables : le niveau de performance des concurrents (les « aspirations sociales » …) et le niveau de performance que l’entreprise a atteint dans le passé (les « aspirations historiques » …).

Une étude sur les stations de radio américaines

Henrich Greve a étudié l’influence du l’écart « performance atteinte – performance souhaitée » sur le changement dans un échantillon de 160 stations de radio américaines (sur une période de dix ans).

Dans la vie d’une station de radio, un changement de « format » est un événement majeur. Les résultats de l’étude confirment l’existence d’un « point de bascule ». Tant qu’une station de radio atteint ses objectifs (en termes de part de marché par rapport à ses concurrents et à son passé), la probabilité qu’elle change de format est très faible. Lorsqu’elle n’y parvient plus, la probabilité d’un changement de format devient beaucoup plus élevée … même si une telle décision est particulièrement risquée.

L’étude a également montré que deux autres variables ont une forte influence sur le changement : le comportement des concurrents de l’entreprise et son propre comportement dans le passé. Une station de radio est plus susceptible de changer de format lorsque ses concurrents l’ont déjà fait. Dans le domaine du changement (comme dans beaucoup d’autres domaines …), les entreprises ont donc tendance à imiter leurs concurrents. Par ailleurs, une station de radio est plus susceptible de changer de format lorsqu’elle l’a déjà fait.

En bref, les entreprises attendent souvent de ne plus pouvoir atteindre leurs objectifs de performance pour changer. Il est alors trop tard. Mieux vaut donc prendre les devants … mais pour cela il faut avoir développé une « culture du changement ».