vendredi 23 novembre 2012

Pourquoi n’y a-t-il (malheureusement …) pas de recette du succès ?



De nombreux ouvrages de management font croire à leurs lecteurs qu’il existe des recettes du succès. Malheureusement, les résultats sont souvent décevants. Pourquoi ?

 De la performance à l’excellence
De nombreux « best sellers » du management se targuent d’avoir identifié les recettes du succès. Parmi eux, De la performance à l’excellence (2001) de Jim Collins tient une place à part. Depuis sa sortie, cet ouvrage s’est vendu à 3 millions d’exemplaires. Il a été traduit en 35 langues. D’après le Financial Times, il fait partie des cinq meilleurs ouvrages de management de l’histoire.

De la performance à l’excellence trouve son origine dans la remarque d’un directeur associé de McKinsey : « Vous savez, Jim, nous aimons bien votre ouvrage précédent. Vous avez fait un très bon travail de recherche et d’écriture. Malheureusement, c’est inutile. Les sociétés que vous avez étudiées ont presque toutes été toujours exceptionnelles. Elles n’ont jamais eu à se transformer radicalement. Quelle utilité pour la vaste majorité des entreprises, qui réalisent qu’elles sont tout juste moyennes, et pas exceptionnelles ? » Comment une entreprise moyenne peut-elle devenir exceptionnelle ? Jim Collins et une équipe de 21 personnes vont passer cinq ans pour essayer de répondre à cette question.

A partir d’un échantillon de 1.435 entreprises, ils ont commencé par identifier 11 entreprises qui ont connu 15 années de performance boursière exceptionnelle (au moins trois fois supérieure à la moyenne du marché) après avoir connu 15 années de performance boursière moyenne. Ils ont alors comparé ces 11 entreprises : Abbott Laboratories, Circuit City, Fannie Mae, Gillette, Kimberly-Clark, Kroger, Nucor, Philip Morris, Pitney Bowes, Walgreens et Wells Fargo) à 11 entreprises similaires à l’origine mais restées moyennes. Au total, ils ont lu des dizaines de livres, plus de 6.000 articles et accumulé près de 400 mégaoctets de données pour réaliser leur étude.

Les recettes du succès selon Jim Collins
Au bout du compte, Jim Collins est parvenu à identifier plusieurs caractéristiques qui distinguent les entreprises qui sont passées « de la performance à l’excellence » des autres : (1) la présence d’un leader à la fois modeste et inflexible, (2) le choix des bonnes personnes pour le seconder, (3) la capacité à regarder la réalité en face, (4) un concept économique simple, (5) une action disciplinée et (6) une bonne utilisation de la technologie. Les trois premières caractéristiques sont surtout utiles au début (la phase de décollage) alors que les deux suivantes prennent tout leur sens par la suite (la phase de rupture). Enfin, la technologie joue le rôle d’accélérateur de croissance pendant les deux phases.

La question posée par Jim Collins est particulièrement intéressante. La recherche qu’il a menée semble également très bien menée. Malheureusement, ce n’est pas le cas … Comme l’ont bien montré Bruce Niendorf et Kristine Beck, Jim Collins et son équipe ont simplement constaté que onze entreprises « excellentes » présentaient six points communs à un moment donné. Cela ne prouve en aucun cas que l’utilisation de ces six recettes permet à une entreprise lambda de devenir « excellente ». En termes plus techniques, Jim Collins n’a pas montré l’existence d’une relation de causalité entre les principes et la performance. Pour cela, il aurait fallu formuler six hypothèses (par exemple : les entreprises qui ont la capacité à regarder la réalité en face deviennent plus performantes que les autres …) et les tester sur un échantillon d’entreprises suffisamment important.

Des recettes qui ne fonctionnent pas … parce qu’elles n’existent pas
De nombreux ouvrages de management cherchent à identifier les recettes du succès. Comme le suggère l’exemple de De la performance à l’excellence, il est rare qu’ils y parviennent. Ce n’est pas vraiment étonnant. En effet, de telles recettes n’existent pas. Dans une économie de marché, la performance est relative. Elle dépend non seulement de ce que fait une entreprise mais aussi de ce que font ses concurrents. Si une entreprise applique les mêmes recettes que ses concurrents, elle n’a aucune chance de les surpasser ... Pour espérer être meilleur que ses concurrents, il faut faire les choses différemment (et mieux) qu’eux. Cela nécessite de prendre des risques … et le succès n’est jamais garanti. La plupart des « best sellers » du management évitent soigneusement de rappeler ce principe de base. Ils préfèrent raconter de belles histoires qui semblent crédibles … mais qui ne le sont pas quand on creuse un peu.

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