vendredi 7 décembre 2012

Quels sont les points communs entre la stratégie d’entreprise et les sciences ?




A priori, rien ne semble plus éloigné des sciences « dures » (comme la physique ou la chimie) que la stratégie d’entreprise. Pourtant, les points communs sont plus nombreux qu’on le pense.

Richard Rumelt est professeur de stratégie à la UCLA (University of California at Los Angeles). Il y a quelques années, il a travaillé comme consultant pour Hughes Electronics, une entreprise américaine du secteur de l’armement. Sa mission consistait à développer une stratégie pour la branche « satellites de communication » de Hughes Electronics. Les dirigeants qui participaient à ses groupes de travail ressentirent rapidement une grande frustration. Un jour, l’un d’entre eux prit la parole. Le moins qu’on puisse dire est qu’il ne mâcha pas des mots : « Franchement, la stratégie, c’est n’importe quoi. Il n’y a pas de théorie. Ce qu’il faudrait, c’est savoir ce qui se passera si nous faisons ceci et ce qui se passera si nous faisons cela. Alors on pourra déterminer la meilleure stratégie. Mais ces concepts de stratégie ne nous aident pas du tout. Ils sont tellement creux … »

La stratégie comme une hypothèse

Après avoir réfléchi un (bon) moment, Richard Rumelt eut l’idée de faire un parallèle entre la stratégie et les sciences « dures » comme la physique ou la chimie. Qu’est-ce qu’un bon scientifique ? C’est quelqu’un qui explore de nouveaux territoires. S’il ne travaille pas sur quelque chose de nouveau, il est peu probable qu’il fasse de grandes découvertes. De la même manière, un bon stratège est à la recherche de nouvelles opportunités pour développer son entreprise. S’il se contente de répliquer la stratégie de ses concurrents, il n’a aucune chance de mettre le doigt sur une opportunité que ses concurrents n’avaient pas perçue.

Dans les sciences, on part des connaissances existantes pour développer une hypothèse. Cette hypothèse doit alors être testée à l’aide d’une expérience. C’est exactement la même chose dans le monde de l’entreprise. On utilise les connaissances dont on dispose sur sa propre entreprise et son secteur d’activité pour élaborer une stratégie. Il faut alors la tester … et voir ce qui se passe. Demander à un dirigeant de mettre en oeuvre une stratégie éprouvée revient à demander à un scientifique de tester une hypothèse qui a déjà été validée. L’intérêt est très limité. Le scientifique n’apprendra rien de nouveau et l’entreprise n’a aucune chance d’avoir un avantage concurrentiel.

L’exemple de Starbucks
Le cas de Starbuck permet d’illustrer ce raisonnement. Comme dans de nombreuses recherches scientifiques, tout est parti de la constatation d’une anomalie. Lors d’un séjour en Italie, Howard Schultz observe les cafés italiens et constate qu’ils sont très différents de ceux qui existent au Etats-Unis (le royaume du café insipide …). Il formule alors l’hypothèse suivante : moyennant certaines modifications, le concept de café « haut de gamme » à l’italienne peut être importé sur le marché américain. Il lui faudra des années pour peaufiner son approche. Il conservera finalement le positionnement « haut de gamme » … mais les boissons servies chez Starbucks ressemblent plus à du lait aromatisé au café (très apprécié par les consommateurs américains …) qu’à l’expresso italien qui l’avait inspiré. On est également beaucoup plus proche de la chaîne (un concept très prisé aux Etats-Unis …) que du café de quartier.

Une stratégie est donc une hypothèse sur « ce qui marchera » (« an hypothesis about what will work »). Créer une nouvelle stratégie génère un sentiment d’inconfort. C’est normal car on ne peut pas savoir si elle est réellement pertinente avant de l’avoir testée. Il ne faut donc pas hésiter à expérimenter. C’est le seul moyen d’accumuler des informations que l’on sera le seul à détenir. Ces informations pourront alors être utilisée pour peaufiner l’hypothèse initiale jusqu’à ce qu’elle soit réellement opérationnelle.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire