Le fossé entre ceux qui ont du succès et ceux qui n’en ont pas a souvent tendance à se creuser avec le temps. C’est le résultat d’un phénomène appelé « effet Matthieu » …
Stephen King vs. Richard Bachman
L’écrivain américain Stephen King s’est fait connaître en 1974 avec son roman Carrie. Depuis, tous ses romans ont été des succès. Dans les années 1970 et 1980, Stephen King est tellement prolifique qu’il propose à son éditeur de publier plusieurs romans par an. Il se heurte à un refus. Dans le monde de l’édition, il existe alors une règle bien établie selon laquelle un auteur ne doit pas publier plus d’un livre pour an (essentiellement pour ne pas lasser ses lecteurs …).
Mais Stephen King ne se décourage pas. Comme les romans inédits commencent à s’empiler dans ses tiroirs, il décide de les publier sous le pseudonyme de Richard Bachman. Le premier roman de « Richard Bachman » (Rage) paraît en 1977 dans l’indifférence générale. Quatre autres romans suivront … sans connaître plus de succès. D’une certaine manière, le cinquième roman (La peau sur les os) connaît la consécration lorsqu’un critique décrète qu’il ressemble à « ce que Stephen King écrirait s’il savait vraiment écrire » !
Des rumeurs selon lesquelles Richard Bachman ne serait autre que Stephen King finissent par se répandre. Un certain Steve Brown se rend à la Bibliothèque du Congrès et parvient à prouver que les deux auteurs ne font qu’un ! Les cinq romans publiés sous le nom de Richard Bachman sont alors réédités sous le nom de Stephen King … et leurs ventes sont multipliées par dix.
L’effet Matthieu
L’expression « effet Matthieu » fait référence à une phrase de l'Evangile selon Saint Matthieu : « A celui qui a, il sera beaucoup donné et il vivra dans l’abondance, mais à celui qui n’a rien, il sera tout pris, même ce qu’il possédait ». Elle tire son origine des travaux du sociologue américain Robert Merton sur la recherche scientifique.
Comme l’a récemment montré Daniel Rigney, l’effet Matthieu peut être observé dans de nombreux autres domaines. Il suggère que ceux qui ont du succès en ont de plus en plus … alors que ceux qui n’en ont pas beaucoup en ont de moins en moins. Cette dynamique d’avantage cumulatif permet également de comprendre pourquoi un petit avantage initial (parfois simplement dû à la chance …) peut se transformer en un écart considérable au fil du temps.
Pourquoi Richard Bachman a-t-il eu moins de succès que Stephen King ?
Après le succès de Carrie, Salem (le deuxième roman de Stephen King) avait beaucoup plus de chances de devenir un « best seller ». Après le succès de Carrie et de Salem, la probabilité que Shining (le troisième roman de Stephen King) devienne un « best seller » était encore plus élevée. A partir de ce moment, Stephen King avait développé une base de lecteurs suffisante pour que le succès de ses romans suivants soit quasiment assuré.
Lorsqu’il a recommencé à zéro en utilisant le pseudonyme de Richard Bachman, les choses se sont passées différemment. Rage est passé inaperçu … et aucun des romans suivants n’est parvenu à enclencher la dynamique d’avantage cumulatif dont Stephen King bénéficiait sous son véritable nom !
En bref (et de manière assez paradoxale), ce n’est pas parce que quelqu’un a du succès qu’il est nécessairement plus compétent que quelqu’un qui n’en a pas. Cela dépend beaucoup plus de la dynamique dans laquelle il se trouve …
Nous ne sommes pas prêt de voir s'épuiser Musso et Marc Lévy :'(
RépondreSupprimerM'enfin il en faut pour tous les goûts.
Je rapprocherais ce texte de deux situations :
- Romain Gary / Emile Ajar : deux prix (deux succès, même relatifs donc) pour le même auteur. Je ne pense pas qu'on puisse parler de ventes de livres pour mesurer mais bon...
- je ne sais plus, j'ai trop mis de temps à rédiger lol
Et n'oublions pas : compétence et succès ne sont pas forcément liés, en littérature ou pas.