dimanche 7 juin 2015

Pourquoi faut-il volontairement commettre des erreurs ?



Les managers ont de nombreuses croyances. Le problème est qu’elles sont souvent fausses. Pour les identifier, il faut volontairement commettre des erreurs !

Expérimentation et biais de confirmation
Les managers sont de plus en plus conscients de la nécessité d’expérimenter. Ils ont raison … S’ils ne réalisent pas d’expérimentations, ils ne pourront jamais être sûrs que leurs croyances reflètent bien la réalité. Le problème est que ces expérimentations sont souvent mal menées.

Un exemple simple suffit pour s’en convaincre. Supposons que l’on vous présente une suite de chiffres (2,4, 6) et qu’on vous demande de deviner la formule qui permet de passer d’un chiffre à l’autre. Pour cela, vous avez la possibilité de proposer différentes suites de trois chiffres. Le réflexe consiste alors à formuler une hypothèse (généralement « des chiffres pairs qui se suivent en ordre croissant ») et à proposer des suites de chiffres comme 10, 12, 14 ou 120, 122, 124. Au bout d’un certain nombre d’essais, on finit par être convaincu que « des chiffres pairs qui se suivent en ordre croissant » est la bonne formule … alors que ce n’est pas le cas !

Pour tester une hypothèse, il ne faut pas chercher à la valider. Paradoxalement, il faut chercher à l’infirmer. Si l’on avait proposé des suites telles que 4, 6, 11 (vraie …), 5, 2, 1 (fausse …) ou -10, 0, 546 (vraie …), on se serait vite rendu compte que la formule n’était pas « des chiffres pairs qui se suivent en ordre croissant » … mais simplement « n’importe quels chiffres en ordre croissant. »

Un exemple en entreprise
Dans l’exemple ci-dessus, commettre une « erreur volontaire » (proposer une suite de chiffres qui ne correspond à l’hypothèse que l’on avait en tête …) était le seul moyen de vérifier si cette hypothèse était exacte. Cette démarche peut sembler surprenante. Elle a pourtant des implications concrètes pour les entreprises. En effet, commettre volontairement une erreur est le seul moyen de repérer les croyances qui sont fausses … alors que l’on est persuadé qu’elles sont vraies !

Paul Schoemaker a utilisé cette démarche dans son cabinet de conseil. Ses associés et lui ont commencé par identifier leurs dix principales croyances sur la meilleure façon de gérer leur cabinet de conseil. Ils les ont alors classées en fonction de leur :
  • importance (en se posant la question suivante : que ferions-nous différemment si nous savions que cette croyance était fausse ?) ;
  • véracité supposée (en se posant la question : que serions-nous prêts à parier que cette croyance est vraie ?).
Dans ce cabinet de conseil, la croyance considérée comme la plus importante et la plus vraie était la suivante : « Cela ne vaut pas la peine de répondre aux appels d’offres. Les entreprises qui y ont recours se focalisent uniquement sur les prix … et ont souvent déjà pris leur décision. »

Schoemaker et ses associés ont alors décidé de commettre une « erreur volontaire » : répondre au prochain appel d’offres qu’ils recevraient … alors qu’ils pensaient n’avoir aucune chance de le gagner ! Ils firent une offre à plus de 200.000 $, un montant a priori beaucoup trop élevé pour le client (une PME locale). Contre toute attente, le client accepta cette offre. Au total, le cabinet de conseil finit par lui facturer plus d’un million de $ en prestations diverses … et changer d’avis par rapport aux appels d’offres.

Quelques précautions avant de se lancer
Commettre volontairement des erreurs peut donc permettre d’identifier les croyances fausses qui perturbent le fonctionnement des entreprises. Il faut cependant garder à l’esprit que les « erreurs volontaires » ne sont pas la panacée. Tout d’abord, il faut vérifier qu’elles en valent vraiment la peine. Les bénéfices potentiels doivent être beaucoup plus élevés que le coût de l’erreur. Surtout, cette démarche est plus utile pour les décisions qui se répètent (comme répondre à un appel d’offres …) que pour les décisions ponctuelles.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire