Les Conseils d'Administration des entreprises prennent souvent des décisions auxquelles tous leurs membres sont opposés. C'est le fameux paradoxe d'Abilene ...
En plein cœur de l’été, Jerry Harvey, sa femme et ses beaux-parents sont assis dans leur jardin de Coleman au Texas. Ils jouent aux dominos tout en buvant de la citronade. Le beau-père de Jerry propose alors d’aller déjeuner à Abilene. Jerry n’est pas vraiment enthousiaste. Abilene est située à 53 miles … et la vieille Buick de ses beaux-parents n’est pas climatisée. Comme tout le monde semble vouloir aller à Abilene, Jerry n’ose pas s’opposer ...
De retour d’un périple de 106 miles (4 heures de route …) en pleine fournaise, Jerry, sa femme et ses beaux-parents finissent par se rendre compte que personne n’a jamais voulu aller à Abilene … Le beau-père a fait cette proposition pour faire plaisir à sa fille et son gendre. Ils ont accepté pour lui faire plaisir. Jerry, sa femme et ses beaux-parents ont alors fini par faire ce que personne ne voulait faire … parce qu’aucun d’entre eux n’a exprimé son désaccord. C’est le paradoxe d’Abilene.
James Westphal et Michael Bednar ont étudié ce phénomène dans les entreprises américaines. Ils ont notamment cherché à comprendre pourquoi leurs Conseils d’Administration remettent aussi rarement en cause les mauvaises décisions des dirigeants. Leur étude porte sur 228 entreprises américaines en mauvaise santé financière. Ils ont commencé par demander aux membres du Conseil d’Administration de donner leur opinion sur la stratégie de l’entreprise. Puis, ils les ont interrogés sur ce qu’ils pensaient être l’opinion des autres membres du Conseil d’Administration. Les résultats de l’étude illustrent parfaitement le paradoxe d’Abilene : un membre du Conseil d’Administration est d’autant moins susceptible de remettre en cause la mauvaise stratégie d’une entreprise qu’il pense que les autres membres du Conseil d’Administration ne partagent pas ses inquiétudes …
En bref, on compte souvent sur le Conseil d’Administration pour remettre en cause les mauvaises décisions des dirigeants. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas. Le Conseil d’Administration peut entériner des décisions … alors que tous ses membres pensent qu’elles sont mauvaises !
Sources :
Harvey, J. (1988), “The Abilene paradox: The management of agreement”, Organizational Dynamics, 17(1), 17-43.
Westphal, J. & Bednar, M. (2005), “Pluralistic ignorance in corporate boards and firms' strategic persistence in response to low firm performance”, Administrative Science Quarterly, 50(2), 262-298.
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