vendredi 8 juin 2018

Comment rater sa transformation digitale ?



 
Il ne suffit pas d'avoir une bonne stratégie pour réussir sa transformation digitale. Il faut aussi parvenir à la mettre en oeuvre ...

En 2012, David Jones, le PDG de Havas, décide de racheter Victors and Spoils. Fondée en 2009, Victors and Spoils est une agence de crowdsourcing publicitaire. Plutôt que de faire appel à des créatifs, elle utilise la "foule" pour générer des idées. Son business model est donc très différent de celui des agences de publicité traditionnelles. D’après John Winsor, le PDG de Victors and Spoils, cette approche novatrice permet de diminuer très sensiblement le coût des campagnes publicitaires tout en conservant un très haut niveau de créativité.

Malheureusement, la greffe ne prendra jamais. Bien qu’il ait été nommé Chief Innovation Officer de Havas, John Winsor fait face à l’opposition farouche des créatifs. Les responsables des filiales rechignent aussi à intégrer le crowdsourcing publicitaire à leur offre. Fin 2013, David Jones quitte l’entreprise. Comment expliquer cet échec ?

Contrairement à un grand nombre de dirigeants, David Jones avait une vraie stratégie digitale pour Havas. Mais il ne s’est pas suffisamment préoccupé de sa mise en œuvre. Plutôt que de la déléguer à John Winsor, il aurait dû :
  • mieux justifier la coexistence de l’activité d’origine et de l’activité digitale. Chez Havas, David Jones a fait le pari que le crowdsourcing était l’avenir de la création publicitaire. Malheureusement, il n’a pas réussi à persuader le reste de l'entreprise que le business model traditionnel et le crowdsourcing étaient des activités complémentaires. Pour les créatifs, le crowdsourcing représentait plus une menace qu'un opportunité de développement ;
  • obtenir l’appui du management. Si une nouvelle activité n’est pas "poussée" par le management, elle sera laminée par l’activité d’origine. Chez Havas, les responsables des filiales jouissaient d’une très forte autonomie. Plutôt que d’investir dans le crowdsourcing, ils ont préféré continuer à travailler comme ils l’avaient toujours fait. L'explication est simple. A court terme, il est toujours plus rentable de favoriser l’activité d’origine par rapport à la nouvelle activité ;
  • séparer l’activité digitale de l’activité d’origine (du moins à l'origine ...). La principale erreur commise par David Jones est de n’avoir pas suffisamment séparé l'activité de crowdsourcing de l'activité historique. Cela lui aurait sans doute évité d'être laminée. Mais la nouvelle activité ne doit pas non plus être trop isolée. Elle doit pouvoir bénéficier de synergies avec l’activité d’origine.

En bref, il ne suffit pas d’avoir une stratégie digitale pour réussir sa transformation digitale. Il faut aussi parvenir à la "vendre" à toute l’entreprise … et ce n’est pas toujours facile.

Source: O’Reilly, C., Tushman, M. (2016), Lead and disrupt: How to solve the innovator's dilemma, Stanford University Press.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire