lundi 5 mars 2018

Quatre questions pour choisir le "bon" modèle de management pour votre entreprise




Le modèle de management d'une entreprise est le reflet des réponses qu'elle apporte à quatre questions.

Dans le monde de l’entreprise, on parle beaucoup de "business model" (la façon dont une entreprise crée et s’approprie la valeur). Le concept de modèle de management ("management model" ...) est beaucoup moins connu. Il reflète les réponses qu’une entreprise apporte à quatre questions. Pour chaque question, il existe une réponse classique et une réponse plus originale.

Comment fixons-nous les objectifs ? La plupart des entreprises se fixent un objectif … et cherchent à l’atteindre. L’approche alternative consiste à se fixer un objectif … pour en atteindre un autre. Par exemple, la satisfaction des employés est la priorité de la SSII indienne HCL Technologies. Le raisonnement de son PDG est que plus les employés d’HCL satisfaits, plus les clients le seront … et plus l’entreprise sera performante.

Comment motivons-nous les salariés ? La plupart des entreprises utilisent des incitations financières pour motiver leurs salariés. Si ces incitations sont efficaces pour les activités répétitives, elles le sont beaucoup moins pour celles qui demandent de la créativité. Dans ce cas, il vaut mieux mettre l’accent sur la dimension personnelle (en permettant aux salariés de s’accomplir dans leur travail) et sur la dimension sociale (en développant le sentiment d’appartenance des salariés) que sur la dimension matérielle.

Comment coordonnons-nous les activités ? La plupart des entreprises utilisent une approche "top down" pour coordonner leurs activités. Il est pourtant avéré que cette approche n’est pas très efficace lorsque l’environnement évolue rapidement. Dans ce cas, l’approche alternative donne de meilleurs résultats. Elle consiste à favoriser l’émergence de projets dans une logique "bottom up".

Comment prenons-nous les décisions ? La plupart des entreprises utilisent l’approche hiérarchique pour prendre les décisions. Plus un manager est situé en haut de la pyramide hiérarchique, plus il est censé être un expert capable de prendre les "bonnes" décisions pour l’entreprise. L’approche alternative est appelée "sagesse des foules". Elle suggère que l’expertise combinée d’un grand nombre de personnes permet de prendre de meilleures décisions que celle d’un petit nombre d’experts.

La plupart des entreprises utilisent le même modèle de management : elles se fixent des objectifs qu’elles cherchent directement à atteindre, elles utilisent des incitations financières pour motiver les salariés, elles utilisent une approche « top down » pour coordonner les activités et elles prennent les décisions en s’appuyant sur l’expertise des managers. Dans de nombreux cas, il est possible d’adopter une approche totalement inverse … et d’être plus performant !

Source : Birkinshaw, J. (2012), Reinventing management: Smarter choices for getting work done, Jossey-Bass.

jeudi 22 février 2018

L’effet Mozart ou le mythe de la libération du cerveau




Nous voulons tous devenir plus intelligents ... de préférence sans faire trop d'efforts.

Beaucoup de gens sont convaincus qu’il serait très facile de mieux utiliser son cerveau. Ce mythe explique le succès actuel de Libérer votre cerveau, le best seller d’Idriss Aberkane. Dans les années 1990, il a pris la forme de l’effet Mozart.

En 1993, un article d’une page est publié dans la prestigieuse revue Nature. Ses résultats sont surprenants. Ils montrent que des étudiants qui ont écouté un extrait d’une sonate de Mozart avant de passer un test de QI ont obtenu 9 points de plus que ceux qui sont restés dans le silence ou ceux qui ont fait un exercice de relaxation. L’étude fait l’objet de nombreux articles dans la presse. L’existence d’un effet Mozart se répand comme une trainée du poudre. Un an plus tard, des CD intitulés Mozart vous rend plus intelligent ou Accordez votre cerveau avec Mozart sont commercialisés.

Plusieurs groupes de chercheurs tentent alors de répliquer les résultats de l’étude parue dans Nature. Au total, seize études seront publiées sur l’effet Mozart (la première étude et quinze réplications). Une méta-analyse réalisée sur toutes ces études montrera qu’écouter du Mozart plutôt que de rester dans le silence avant de passer un test de QI permet d’obtenir 1,4 point de plus (un effet qui n’est pas significatif …). En revanche, écouter du Mozart plutôt que de se relaxer permet d’obtenir 3 points de plus (un effet significatif …). Les résultats de l’étude de Nature étaient donc (très nettement) exagérés. Surtout, ce n’est pas le fait d’écouter du Mozart avant de passer un test de QI qui rend plus intelligent. C’est le fait de se relaxer avant de passer ce test qui rend plus bête (ou qui ne met pas dans les bonnes conditions pour se concentrer) !

Contrairement à l’étude de Nature, les réplications et la méta-analyse ne connurent pas un grand retentissement médiatique. C’est un phénomène qu’on observe assez souvent : les médias s’intéressent à la première étude publiée sur un sujet … mais pas du tout aux suivantes. Résultat : 40% des Américains sont actuellement persuadés qu’écouter du Mozart rend plus intelligent !

En bref, nous voulons tous devenir plus intelligents. Ceux qui nous promettent d’y parvenir sans faire trop d’efforts ont encore de beaux jours devant eux !

Source: Chabris, C., Simons, D. (2010), The invisible gorilla and other ways our intuitions deceive us, Harper.

mardi 13 février 2018

Entrepreneurs, ne rédigez surtout pas de "business plan" !




Pour connaître le succès, mieux vaut ne pas rédiger de "business plan" ... 

Lorsqu’un entrepreneur crée sa start-up, on lui conseille souvent de rédiger un "business plan". Est-ce vraiment une bonne idée ? D’un côté, cela peut améliorer ses chances de succès en le forçant à formaliser sa stratégie. D’un autre côté, cela peut figer sa stratégie et l’empêcher de saisir les opportunités au fur et à mesure qu’elles se présentent.

Pour savoir s’il est judicieux de rédiger un "business plan", John Dencker, Marc Gruber et Sonali Shah ont mené une étude sur 436 entrepreneurs allemands. Les résultats sont très clairs : les entrepreneurs qui rédigent un "business plan" sont beaucoup plus susceptibles d’échouer que les autres ! Pour une activité aussi incertaine que la création d’une nouvelle entreprise, il ne sert à rien de vouloir tout planifier.

Les résultats montrent aussi que certains entrepreneurs pâtissent moins de la rédaction d’un "business plan" que les autres. Il s’agit de ceux qui connaissent le mieux le domaine d’activité dans lequel ils créent leur start-up et de ceux qui ont le plus d’expérience en matière de management. L’explication est simple : leur "business plan" est meilleur que celui des entrepreneurs qui connaissent moins bien le domaine dans lequel ils créent leur start-up et qui ont moins d’expérience en matière de management.

Enfin, les résultats montrent que les start-up qui font évoluer leur offre après leur lancement ont plus de chances de survivre que celles qui s’en tiennent à leur offre initiale. Comme pour le "business plan", il faut aussi prendre en compte les caractéristiques des entrepreneurs. Les entrepreneurs qui font le mieux évoluer leur offre sont ceux qui connaissent le mieux le domaine d’activité dans lequel ils créent leur start-up et qui ont le plus d’expérience en matière de management.

En bref, il ne sert à rien d’être dans le vrai lorsqu’on crée une start-up. Il est beaucoup plus important d’être agile par la suite. Il est également souhaitable d’avoir une vraie connaissance du domaine d’activité dans lequel on se lance et une bonne expérience dans le domaine du management.

Source : Dencker, J., Gruber, M., Shah, S. (2009), “Pre-entry knowledge, learning, and the survival of new firms”, Organization Science, 20, 516-537.

lundi 22 janvier 2018

Vins de Bordeaux : les algorithmes meilleurs que les experts ?




Pour évaluer la qualité des vins de Bordeaux "en primeur", les algorithmes sont peut-être meilleurs que les critiques ... 

Au printemps de chaque année, les critiques vinicoles affluent à Bordeaux pour goûter le nouveau millésime alors qu’il est encore en barriques. C’est un exercice particulièrement difficile car les vins sont encore très jeunes. Le pouvoir des critiques est immense car leurs notes influencent les acheteurs du monde entier.

Orley Ashenfelter est un économiste américain. Professeur à l’université de Princeton, il a été rédacteur en chef de the American Economic Review (la revue d’économie la plus prestigieuse au monde …). En étudiant la relation entre la météo et les prix des vins de Bordeaux sur plusieurs dizaines d’années, il a obtenu la formule suivante :

Qualité du millésime =
-12,14540
+ 0,00117 * nombre de jours de pluie en hiver
+ 0,61640 * température moyenne au printemps et en été
– 0,00386 * nombre de jours de pluie pendant la période de vendanges.

D’après Ashenfelter, il n’est donc pas nécessaire de goûter les vins pour déterminer la qualité d’un millésime. Une équation comportant quelques variables météorologiques est largement suffisante. Autant dire que les critiques vinicoles n’ont pas beaucoup apprécié la formule d’Ashenfelter. Une controverse a notamment éclaté entre Ashenfelter et le célèbre critique américain Robert Parker. D’après lui, l’économiste "appréhende le vin à la manière d’un homme de Neandertal. C’est tellement absurde que cela prête à rire."

En 1990, le New York Times a fait sa couverture sur la formule d’Ashenfelter. Dans l’interview qu’il a donnée au quotidien, l’économiste reprochait à Parker d’avoir surévalué le millésime 1986. Il avait fait très froid au printemps et en été. Il avait également beaucoup plu pendant les vendanges. Il était donc évident que le millésime 1986 ne serait pas bon. Dans la même interview, Ashenfelter prédisait que le millésime 1989 serait le "millésime du siècle" … plusieurs mois avant que les critiques ne le goûtent. Rappelons que les données météorologiques jusqu’aux vendanges suffisent pour prédire la qualité d’un millésime en utilisant la formule d’Ashenfelter. Pour Parker, c’était "ridicule et absurde". Le millésime 1989 s’avéra pourtant très bon … Surtout, Ashenfelter parvint à montrer que les notes attribuées par Parker lors des dégustations en primeur étaient systématiquement surévaluées (ce qui arrangeait bien les viticulteurs bordelais …). Il finissait presque toujours par les réviser à la baisse.

Depuis cette controverse, les avis des critiques se sont rapprochés de la formule d’Ashenfelter. Pour l’économiste américain : "les critiques ne font plus d’erreurs aussi manifestes que par le passé..."

Source : Ayres, I. (2008). Super Crunchers: how anything can be predicted. John Murray.

vendredi 5 janvier 2018

Des dirigeants qui font le bouclier humain pour sauver leurs employés




Les meilleurs dirigeants n'hésitent pas à mettre leur démission dans la balance pour protéger leurs équipes ... 

Au milieu des années 1980, LucasFilm (la société de production rendue célèbre par la saga Star Wars) possédait une petite entité spécialisée dans les images de synthèse. Georges Lucas ne croyait pas beaucoup à l’avenir de la « computer division ». Il demanda donc à Doug Norby (son bras droit) de la restructurer. Norby convoqua Ed Catmull et Alvy Ray Smith (les deux responsables de la « computer division ») et leur demanda de faire un plan social. Catmull et Smith ne parvenaient pas à s’y résoudre. Pour sauver leurs collaborateurs, ils essayèrent de convaincre Norby que les licenciements fragiliseraient la « computer division ». Lorsque Georges Lucas déciderait de la vendre, elle ne vaudrait quasiment plus rien.

Mais Norby ne voulait rien entendre. Il finit par adresser un ultimatum à Catmull et Smith : « Vous avez jusqu’à demain matin à neuf heures pour me fournir une liste de noms. » Le lendemain à neuf heures, Catmull et Smith se présentèrent dans le bureau de Norby et déposèrent la liste sur son bureau. Elle contenait deux noms : Ed Catmull et Alvy Ray Smith. Norby renonça au plan social et tous les employés de la « computer division » conservèrent leur poste. Quelques mois plus tard, Steve Jobs racheta la « computer division » de Lucasfilm pour 10 millions de dollars. Elle prit le nom de Pixar et révolutionna le film d’animation avec des dessins animés tels que Toy Story ou Le Monde de Nemo. En 2006, Steve Jobs revendit Pixar à Disney pour un montant de 7,4 milliards de dollars. Une belle plus-value pour un investissement initial de 10 millions de dollars !

L’histoire de Pixar est un cas extrême. Il n’est pas toujours nécessaire de mettre sa démission dans la balance pour protéger ses collaborateurs. Pourtant, elle illustre bien une caractéristique qui distingue les meilleurs dirigeants des autres : ils n’hésitent pas à jouer le rôle de « bouclier humain ». En protégeant leurs équipes, ils créent un climat de confiance … qui se traduit rapidement par une performance accrue.

Source : Sutton, R. (2010), Good Boss, Bad Boss, Business Plus.