mercredi 3 avril 2013

Pourquoi est-il parfois plus bénéfique pour une entreprise (et notamment pour un constructeur automobile) d’avoir une mauvaise réputation ?



Pour une entreprise, avoir une bonne réputation présente de nombreux avantages. Mais que se passe-t-il lorsqu’elle déçoit les attentes de ses clients ? Se montrent-ils plus ou moins indulgents qu’avec les entreprises dont la réputation est moins flatteuse ? Qu’en est-il pour les constructeurs automobiles ?

A première vue, il semble toujours bénéfique pour une entreprise d’avoir une bonne réputation. Cela lui permet par exemple d’attirer un plus grand nombre de clients et de pratiquer des prix plus élevés que ceux de ses concurrents. Pourtant, il arrive qu’une entreprise jouissant d’une bonne réputation déçoive ses clients. Dans l’industrie automobile, cette situation se produit lorsqu’elle rappelle des véhicules. Comment le marché a-t-il alors tendance à réagir ?

Pour répondre à cette question, Mooweon Rhee et Pamela Haunschild ont étudié les rappels effectués par tous les constructeurs automobiles présents aux Etats-Unis entre 1975 et 1999. Très précisément, l’étude porte sur les marques (par exemple Buick ou Lexus …) et non sur les constructeurs (par exemple GM ou Toyota …). Sur cette période, les 46 constructeurs ont effectué 1.853 rappels (soit une moyenne de 2,26 rappels par constructeur et par année). La réputation des constructeurs a été mesurée à l’aide d’indicateurs de qualité fournis par Consumer Reports et J.D. Power. A la fin de la période étudiée, Lexus, BMW et Acura étaient les moins bien évalués en termes de réputation. Kia, Daewoo et Hyundai étaient les mieux évalués.

L’influence de la réputation sur la relation entre les rappels de véhicules et la sanction du marché

Rhee et Haunschild ont constaté que la part de marché de tous les constructeurs diminue sensiblement lorsqu’ils effectuent des rappels. Ils ont également observé que la part de marché des constructeurs les plus réputés diminue beaucoup plus fortement que celle des constructeurs les moins réputés. L’explication est relativement simple. Les clients ont des attentes beaucoup plus élevées envers Lexus, BMW ou Acura qu’envers Kia, Daewoo ou Hyundai par exemple. Ils ont alors tendance à ne rien leur pardonner … et on aboutit au paradoxe selon lequel il est parfois préférable d’avoir une mauvaise réputation qu’une bonne réputation !

Le rôle de l’intensité concurrentielle et du degré de spécialisation

Est-il toujours aussi « néfaste » d’avoir une bonne réputation ? Pour répondre à cette question, Rhee et Haunschild ont également pris en compte le rôle de l’intensité concurrentielle et le degré de spécialisation des différentes entreprises. Les résultats montrent que les constructeurs les plus réputés sont moins sanctionnés lorsque l’intensité concurrentielle est faible. En effet, il est alors plus difficile pour les clients potentiels de se reporter vers des concurrents équivalents. Les résultats suggèrent également que les constructeurs les plus réputés souffrent moins lorsque ce sont des spécialistes plutôt que des généralistes. Les clients semblent être plus tolérants envers les écarts des spécialistes (les plus réputés) que des généralistes (les plus réputés) …

En résumé, avoir une bonne réputation est une arme à double tranchant. Plus une entreprise est réputée, plus les attentes des clients sont élevées … et plus ils ont tendance à la sanctionner au moindre accroc. Le rôle de la presse n’est pas neutre car elle s’intéresse plus aux déboires des constructeurs réputés (comme Toyota ces dernières années …) que des autres.

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