On pense souvent qu’une entreprise a plus de chances de connaître le succès lorsqu’elle opte pour une stratégie « pure » fondée sur la qualité ou le prix. Mais est-ce réellement le cas ?
Une supériorité apparente des stratégies « pures » …
D’après Michael Porter, le célèbre professeur de Harvard, il existe deux stratégies « pures » : la stratégie de domination par les coûts et la stratégie de différenciation de l’offre. La stratégie de domination par les coûts consiste à proposer un produit ou un service à un prix inférieur à celui de ses concurrents. La stratégie de différenciation de l’offre consiste à proposer un meilleur produit ou service que celui de ses concurrents (et à le vendre plus cher !). Une entreprise qui ne choisit pas l’une de des stratégies se retrouve « enlisée dans la voie médiane ». Elle a peu de chances d’être très rentable pour trois raisons :
- elle est très vulnérable aux attaques des concurrents qui utilisent les stratégies « pures ». En effet, ses produits sont plus chers que ceux des entreprises qui utilisent une stratégie de domination par les coûts … et moins valorisés par les clients que ceux des entreprises qui utilisent une stratégie de différenciation de l’offre ;
- l’enlisement dans la voie médiane est plus répandu que la stratégie de domination par les coûts et la stratégie de différenciation de l’offre. La concurrence entre les entreprises qui sont dans cette situation est donc plus forte que celle qui oppose les entreprises qui ont opté pour une stratégie « pure » ;
- la stratégie de domination par les coûts et la stratégie de différenciation de l’offre nécessitent la mise en place d’une organisation totalement différente. Elles sont donc difficilement compatibles au sein de la même entreprise.
Les résultats d’une étude menée par Stewart Thornhill et Roderick White sur 2.351 entreprises canadiennes ont récemment confirmé que les stratégies « pures » génèrent une meilleure rentabilité (en termes de marge opérationnelle) que l’enlisement dans la voie médiane. Ils ont également montré que la meilleure stratégie « pure » varie selon les secteurs. Dans le BTP par exemple, les donneurs d’ordre les plus performants utilisent une stratégie de différenciation de l’offre alors que les sous-traitants les plus performants utilisent une stratégie de domination par les coûts. Dans les services, la stratégie de domination par les coûts domine toutes les autres stratégies.
… qui masque une plus grande prise de risques
Ces résultats ne sont pas franchement surprenants … mais ils soulèvent une question fondamentale. Pourquoi l’enlisement dans la voie médiane est-il aussi fréquent alors qu’il condamne les entreprises à une rentabilité plus faible que les stratégies « pures » ? Dans une étude complémentaire (non publiée pour le moment …), Stewart Thornhill, Roderick Whitehill et Michael Raynor ont fait une découverte assez surprenante : si les entreprises qui optent pour les stratégies « pures » sont plus rentables, elles sont également plus susceptibles de faire faillite que les entreprises enlisées dans la voie médiane …
Ce paradoxe s’explique de la manière suivante. Lorsque les clients deviennent plus sensibles aux prix, ils se détournent avant tout des entreprises qui ont opté pour une stratégie de différenciation de l’offre. Lorsque les clients deviennent plus sensibles à l’offre différenciée (et plus chère …), ils se détournent avant tout des entreprises qui ont opté pour une stratégie de domination par les coûts. Dans les deux cas, les entreprises enlisées dans la voie médiane souffrent moins que celles qui ont adopté les stratégies « pures » …
En bref, les entreprises ont le choix entre des stratégies « pures » plus rentables mais plus risquées … et un enlisement dans la voie médiane moins rentable mais plus sûr. Elles peuvent donc préférer assurer leur survie plutôt que de chercher à atteindre un niveau de rentabilité élevé (avec tous les risques que cela comporte …).
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