vendredi 12 juillet 2013

Pourquoi n’y a-t-il rien de plus pratique (pour une entreprise) qu’une théorie ?



On oppose souvent la théorie à la pratique … mais c’est une erreur. Comme l’a bien formulé le psychologue Kurt Lewin : « Il n’y a rien de plus pratique qu’une bonne théorie ». Les entreprises auraient donc tout intérêt à utiliser plus de « bonnes » théories.


Les déboires de Lucent
A la fin des années 1990, la Direction de Lucent décide de remplacer ses trois divisions opérationnelles historiques par onze « hot businesses » autonomes. La logique sous-jacente est qu’une organisation plus décentralisée permettra de mieux répondre aux attentes des clients. Alors que ce type d’organisation a fait ses preuves dans de nombreuses entreprises, les résultats chez Lucent sont catastrophiques. Les coûts augmentent de manière spectaculaire et les clients sont de plus en plus mécontents. Que s’est-il passé ? Il semble que Lucent ait utilisé une théorie inadaptée …

Qu’est-ce qu’une théorie ?

Dans le monde de l’entreprise, on se méfie des théories. Il est assez facile de comprendre pourquoi. La plupart des managers pensent que les théories sont déconnectées de la réalité … et qu’elles ne présentent donc aucun intérêt pour eux. Pourtant, une théorie n’est rien d’autre que la formulation d’une relation entre une cause et un effet. Elle peut donc s’avérer particulièrement utile …

Même s’ils n’en sont pas toujours conscients, les managers utilisent en permanence des théories. Le problème est qu’elles sont parfois fausses … ou simplement inadaptées à leur entreprise. Comme l’ont montré Clayton Christensen et Michael Raynor, une théorie se construit en trois étapes :
  • observer et décrire le phénomène que l’on cherche à comprendre ;
  • classifier les différentes dimensions du phénomène ;
  • formuler la théorie, c'est-à-dire expliciter la relation entre une cause et un effet.

Le processus est itératif. Une fois que l’on a formulé une théorie, il est possible de faire des prédictions et de les tester. Si ces prédictions ne sont pas validées, la théorie doit être amendée. Lors de ce processus, deux écueils doivent être surmontés. D’une part, il faut être sûr que l’on observe bien une relation de causalité (et pas une simple corrélation). Par exemple, ce n’est pas parce que les entreprises les plus performantes ont une organisation décentralisée que ce type d’organisation permet obligatoirement d’améliorer la performance … D’autre part, il faut parvenir à identifier les conditions dans lesquelles la théorie s’applique ou ne s’applique pas. La plupart des théories sont contingentes. Si une organisation décentralisée peut être bénéfique pour certaines entreprises, elle ne l’est pas forcément pour toutes les entreprises …

Retour sur le cas de Lucent
La réorganisation de Lucent était fondée sur la « théorie » selon laquelle la décentralisation permet d’améliorer la performance. Le problème est que ce type d’organisation fonctionne bien lorsque les divisions ont des clients différents … mais beaucoup moins lorsqu’elles ont les mêmes clients (et qu’elles doivent travailler ensemble pour leur proposer une offre intégrée). A la fin des années 1990, les principaux clients de Lucent étaient les opérateurs téléphoniques. Pour leur fournir les offres intégrées dont ils avaient besoin, une organisation centralisée (comme celle qui existait à l’origine …) était finalement bien plus adaptée que la nouvelle organisation en « hot business units » autonomes !

En bref, il n’y a rien de pire pour une entreprise que d’utiliser une théorie fausse ou inadaptée (même sans en être conscient …). En revanche, savoir identifier et mettre en œuvre la « bonne » théorie accroît sensiblement les chances de connaître le succès.

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