vendredi 6 décembre 2013
Apprend-on plus de ses échecs ou de ses succès ?
On pense souvent que l’on apprend plus de ses échecs que de ses succès. Mais est-ce réellement le cas ? Une étude récente vient d’en apporter la preuve concrète.
Les 111ème et le 113ème vols de la navette spatiale
En octobre 2002, un bloc de mousse isolante se détache du réservoir principal de la navette Atlantis. Comme la navette revient à bon port, la NASA ne s’inquiète pas particulièrement ...
En janvier 2003, la navette Columbia se désintègre en plein vol. Aucun des sept membres de l’équipage ne survit à l’accident … Quelques mois plus tard, la commission d’enquête rend son rapport (4.000 pages …).
Les treize enquêteurs ont réalisé 200 entretiens et compulsé plus de 30.000 documents. La cause de l’accident est clairement identifiée. Au moment du décollage, un bloc de mousse isolante s’est détaché du réservoir principal de la navette et a endommagé son aile gauche. Lorsque la navette est revenue dans l’atmosphère, l'aile s’est rompue ... Le rapport donne 29 recommandations à mettre en œuvre par la NASA avant tout nouveau lancement de navette.
Une étude sur les lancements de véhicules spatiaux
Pourquoi apprendrait-on plus de ses échecs que de ses succès ? L’explication est assez simple. Après un succès, on conclut généralement que l’on a fait tout ce qu’il fallait pour réussir … et on ne progresse pas. Après un échec, on est forcé de se remettre en cause … ce qui améliore les chances de connaître un succès par la suite.
Pour démontrer que l’on apprend plus de ses échecs que de ses succès, Peter Madsen et Vinit Desai ont étudié toutes les tentatives de lancement de véhicules spatiaux entre 1957 et le milieu des années 2000 (4.663 tentatives effectuées par 36 organisations, dont 4.220 succès et 443 échecs …).
Les résultats de l’étude montrent que la probabilité de connaître l’échec diminue avec le nombre de succès préalables … mais encore plus avec le nombre d’échecs préalables. Les entreprises apprennent donc plus de leurs échecs que de leurs succès. Elles oublient également moins vite ce qu’elles ont appris de leurs échecs que ce qu’elles ont appris de leurs succès. Enfin, l’impact des échecs cuisants est plus marqué que celui des échecs plus « modestes » …
Si une entreprise peut tirer les leçons de sa propre expérience, elle peut également s’inspirer de celle des autres. De la même manière qu’une entreprise apprend plus de ses propres échecs que de ses propres succès, elle apprend plus des échecs de ses concurrents que de leurs succès. En effet, les résultats suggèrent que la probabilité de connaître l’échec diminue avec le nombre de succès que ses concurrents ont connus … mais encore plus avec le nombre d’échecs qu’ils ont essuyés.
Retour sur les 111ème et le 113ème vols de la navette spatiale
Pourquoi la NASA a-t-elle répondu de manière aussi différente au même problème technique (le détachement d’un bloc de mousse isolante) lors des 111ème et 133ème vols de la navette spatiale ? Alors que la mission Atlantis a été considérée comme un succès, la mission Columbia a été considérée comme un échec (particulièrement cuisant …). Quelles ont été les implications pour la NASA ? Dans le premier cas, elle n’a pas tenu compte de l’incident … et une catastrophe s’est produite peu après. Dans le second cas, les conclusions de la commission d’enquête lui ont permis d’améliorer la sécurité (mais à quel prix …).
En bref, on apprend plus des échecs que des succès (les siens … comme ceux des autres). Les échecs les plus bénéfiques sont ses propres échecs … surtout lorsqu’ils sont particulièrement cuisants (et que l’on parvient à y survivre !). Plutôt que de les occulter, il faut donc apprendre à en tirer profit.
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